
En République Démocratique du Congo la notion d’ « autorité morale » dans un parti politique, bien qu’ ancrée dans les pratiques politiques, soulève des questions juridiques épineuses.
L’ancien président Joseph Kabila et « son » parti politique, le PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie), se retrouvent aujourd’hui au cœur d’une controverse qui illustre parfaitement ce flou. Suspension des activités du parti, poursuites judiciaires, saisie de biens : les mesures récentes prises par le gouvernement contre Kabila mettent en lumière les tensions entre droit formel et dynamiques politiques informelles. Décryptage d’un dossier brûlant.
UN VIDE JURIDIQUE AUTOUR DE L’AUTORITE MORALE
En RDC, la Loi N° 04/002 du 15 mars 2004, qui encadre l’organisation et le fonctionnement des partis politiques, reste muette sur la notion d’ »autorité morale ».
Ce rôle, souvent attribué à une figure influente au sein d’un parti – comme Joseph Kabila pour le PPRD – n’a pas de définition légale ni de statut officiel. La Constitution congolaise, dans ses articles 6, 7 et 8, consacre le pluralisme politique et protège les droits de l’opposition, mais elle ne comble pas ce vide.
Pourtant, ce flou n’empêche pas les autorités de viser des personnalités comme Kabila. Perçu comme le leader de fait du PPRD malgré l’absence d’un quelconque poste officiel, l’ancien président se voit aujourd’hui rattrapé par des accusations qui oscillent entre juridique et politique.
Les obligations des partis : un cadre strict et légal
La loi de 2004 impose des règles précises aux partis politiques et à leurs dirigeants statutaires. Les membres doivent promouvoir la doctrine du parti et participer à ses activités (article 5), tandis que les responsables officiels – président, secrétaire général – assurent la gestion financière et la représentation légale (articles 16 et 21). Chaque année, avant le 31 mars, les comptes doivent être soumis au ministre de l’Intérieur. L’article 25, lui, interdit formellement l’utilisation des ressources publiques à des fins politiques, sous peine de sanctions graves, comme la dissolution.
MAIS QUID D’UNE AUTORITE MORALE SANS ROLE FORMEL ?
Rien dans la loi ne s’applique directement à une figure comme Kabila, qui n’occupe aucune fonction au sein du PPRD.
Cette ambiguïté complique l’attribution d’une responsabilité légale claire, rendant les mesures actuelles contre lui d’autant plus sujettes à débat.
Une cascade de sanctions : le PPRD et Kabila dans le viseur
Le 19 avril 2025, le ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, a frappé fort en suspendant les activités du PPRD sur l’ensemble du territoire national. Motif invoqué : un « silence complice » face aux agissements du groupe armé M23/AFC dans l’est du pays. Quelques jours plus tard, des poursuites judiciaires ont visé Joseph Kabila lui-même, accusé d’ »activisme avéré » dans le conflit. Saisie de biens, restrictions de mouvement : les sanctions se sont multipliées, relayées par une revue de presse de Radio Okapi le 21 avril 2025.
Ces décisions interviennent dans un contexte tendu, peu après l’annonce – controversée – du retour de Kabila à Goma, bastion du M23/AFC. Le PPRD a vigoureusement démenti cette présence, accusant le régime de Félix Tshisekedi de fabriquer des preuves pour discréditer l’opposition. « Une affabulation », a dénoncé Ferdinand Kambere, secrétaire permanent du parti, dans une déclaration à MediaCongo. Le gouvernement, lui, maintient que « l’influence » de Kabila et le mutisme du PPRD face à la crise justifient ces mesures.
Mais, certes, il est difficile pour le Ministère de l’Intérieur, de prévoir des sanctions pour des « déclarations » qu’un parti politique quelconque n’aurait pas faites ou bien à cause des agissements d’un notable (Kabila) qui n’ a aucun lien juridique avec un parti (dans le cas en espèces, le PPRD).
En réalité, quel est le lien juridique entre les agissement de KABILA et le parti politique PPRD? Force est de constater qu’ il est juridiquement impossible d’engager la responsabilité d’une personne morale (comme un parti politique) à cause des agissements d’un individu qui n’a aucune fonctionne officielle au sein de ce parti ! Faire le contraire, ouvrirait la route à toute sorte de dérives et abus, en violation de l’ état de droit.
Comment sanctionner un parti pour une « non déclaration » et prendre en compte sa responsabilité par rapport aux agissements de quelqu’un qui n’ a pas de lien juridique formel avec un parti politique ? Cela, ouvre la porte à toute sorte d’ abus, de la part de l’autorité du ministère de l’Intérieur, soumise, elle aussi, aux lois et à la Constitution.
Ce bras de fer illustre un phénomène récurrent en RDC : l’utilisation d’outils juridiques et administratifs pour régler des comptes politiques.
La suspension d’un parti politique à cause des actions attribuées à une figure « non officielle », marque une rupture avec le cadre légal, où seule l’entité juridique – les organes du parti– peut répondre de ses actes.
UN DEFI POUR L’ETAT DE DROIT
Le cas de Joseph Kabila et du PPRD met en évidence un vide juridique en ce qui concerne la position d’une « autorité morale », qui n’a pas de définition juridique et qui peut-être considérée comme n’importe qui.
Voilà pourquoi une prétendue autorité morale, sans rôle formel, ne peut engager la responsabilité d’un parti politique, et vice-versa.
D’ailleurs, l’on pourrait aussi souligner que l’actuel président de la république, considéré comme « autorité morale » de l ‘Udps, n’ a pas et il ne peut avoir aucun rôle officiel au sein de ce parti (cela étant interdit par la Constitution en vigueur, à son art. 81: « Le mandat du Président de la République est également incompatible avec toute responsabilité au sein d’un parti politique) et il serait aberrant d’attribuer ses actes au parti politique UDPS ou vice-versa!
Comme Tshisekedi, Kabila n’a jamais eu de position officielle et légale au sein du PPRD, aussi bien quand il était président (d’ailleurs, il s’est toujours présenté aux élections comme indépendant) qu’après, une fois devenu sénateur à vie.
Cette affaire pose une question fondamentale : comment concilier la lutte contre l’insécurité avec le respect des droits de l’opposition ?
Pour beaucoup, ces sanctions traduisent manifestement une volonté de neutraliser un adversaire politique plus qu’une application rigoureuse de la loi et de la Constitution congolaise.
Résistant Congolais
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MISE A JOUR DU 23/04/25 A 16H18: PILLAGE DU SIEGE DU PPRD EN DIRECT