LA PERQUISITION DE KINGAKATI ET LE RETOUR ANNONCE DE KABILA A L’EST : UNE BOMBE A RETARDEMENT ?

La République démocratique du Congo vit à nouveau sur le fil du rasoir. À 50 km à l’est de Kinshasa, la perquisition annoncée pour aujourd’hui de la propriété de Joseph Kabila à Kingakati, un domaine tentaculaire de 20.000 hectares, risque de jeter une allumette dans une poudrière politique déjà fumante.

L’ancien président, qui a régné de 2001 à 2019, reste une ombre sur la scène nationale via sa plateforme politique, le Front commun pour le Congo (FCC). Cette opération, si elle se confirme, pourrait déclencher une cascade de conséquences politiques, sécuritaires et militaires aux contours incertains mais potentiellement dévastateurs.

Certes, Kabila a choisi ce moment précis pour annoncer son retour à l’est de la RDC, ajoutant une couche de tension explosive à une situation déjà critique. Difficile de ne pas voir un lien de cause à effet entre la perquisition symbolique de Kingakati et les récentes déclarations du Président honoraire de la RDC.

UN RETOUR PROVOCATEUR DANS L’EST REBELLE

En avril 2025, Joseph Kabila, en exil en Afrique du Sud depuis décembre 2023, a lâché une bombe politique lors d’un discours retentissant. Il a révélé son intention de rentrer en RDC, non pas à Kinshasa, siège du pouvoir, mais dans l’est du pays, une région sous le joug de groupes rebelles comme l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23). Justifiant ce choix par la nécessité d’« aider à trouver une solution » à la crise qui ravage cette zone – où Goma et Bukavu sont aux mains de factions soutenues, selon Kinshasa, par le Rwanda –, Kabila défie ouvertement le président Félix Tshisekedi.

Ce dernier, qui accuse son prédécesseur de collusion avec les rebelles (une charge que Kabila rejette), voit dans ce retour un affront direct à son autorité.

Ce n’est pas un hasard si cette annonce survient alors que la perquisition de Kingakati fait sursauter le paysage politique. Après avoir dirigé la RDC pendant 18 ans, laissant un pays fracturé par les conflits armés et les tensions politiques, Kabila avait opté pour un silence relatif depuis 2019. En posant ses valises dans une zone hors du contrôle gouvernemental, il pourrait chercher à exploiter le mécontentement populaire face à l’incapacité de Tshisekedi à pacifier la région, se positionnant comme une alternative au pouvoir en place.

UN ECHO DE 1997 : QUAND LA POLITIQUE DEGENERE EN GUERRE

RAPPEL : 1997, Congo-Brazzaville. Le président Pascal Lissouba affronte son prédécesseur Denis Sassou-Nguesso dans une guerre civile qui déchire le pays. Les milices ethniques – Zoulous contre Cobras – transforment Brazzaville en champ de ruines. Bilan : 15.000 morts et un pouvoir renversé par une intervention angolaise. Ce chaos, né de rivalités politiques exacerbées, résonne avec la RDC d’aujourd’hui.

Kabila, tel un Sassou-Nguesso moderne, incarne une force que Tshisekedi peine à juguler. La perquisition de Kingakati et ce retour dans l’est pourraient être les étincelles qui rallument des divisions latentes, entre Kinshasa et les bastions de l’est où Kabila conserve des soutiens.

LES DOMINOS DU CHAOS : POLITIQUE, SECURITE, ARMEE

Le retour de Kabila dans une zone rebelle menace de bouleverser l’équilibre politique. En s’installant dans l’est, il pourrait galvaniser l’opposition via le FCC, torpillant les efforts de Tshisekedi pour former un gouvernement d’union nationale – une initiative visant à apaiser la crise. Si la perquisition de Kingakati est perçue par certains comme une provocation, des manifestations pourraient éclater à Kinshasa et ailleurs, polarisant une scène politique déjà fragmentée. Les risques de déstabilisation sont réels : en défiant le gouvernement depuis l’est, Kabila pourrait accentuer les divisions et saper toute tentative de médiation régionale ou internationale.

SECURITE : DES BRAISES SOUS LA CENDRE

Sur le plan sécuritaire, ce retour controversé est une grenade dégoupillée. La présence de Kabila dans la partie orientale de la RDC pourrait être interprétée comme une légitimation implicite des rebelles de l’AFC/M23, les incitant à intensifier leurs attaques. Si le gouvernement riposte par une offensive militaire pour reprendre le contrôle, le conflit, déjà volatile, pourrait s’embraser. D’autres groupes armés risquent d’exploiter ce chaos pour avancer leurs pions, tandis que les fragiles efforts de paix s’effondreraient si Kabila est vu comme un opportuniste politique.

MILITAIRE : UNE LOYAUTE A L’EPREUVE

Militairement, les répercussions pourraient être graves. Kabila conserve des liens avec certains officiers des Forces armées de la RDC (FARDC). Sa présence dans l’est risque de provoquer des défections, fragilisant l’armée face aux rebelles. Pire encore, ses rencontres avec des représentants du Rwanda et de l’Ouganda avant son annonce laissent planer le spectre d’alliances troubles, exacerbant les tensions régionales et compliquant toute solution diplomatique.

UNE DOUBLE MENACE AMPLIFIEE

Dans ce contexte, la perquisition de Kingakati devient un détonateur potentiel. Si elle a effectivement lieu aujourd’hui, comme annoncé par plusieurs sources, les loyalistes de Kabila pourraient descendre dans la rue, déclenchant des affrontements avec les forces de l’ordre – un scénario rappelant les milices de Brazzaville en 1997. Avec Kabila dans l’est, une coordination entre ses partisans et les rebelles n’est pas à exclure, rendant la situation compliquée. La RDC, déjà usée par des décennies de conflit, risque de basculer dans une nouvelle spirale de violence.

Les garde-fous : MONUSCO (?) et la communauté internationale

La présence de la MONUSCO – même si beaucoup de congolais ne lui font plus confiance – et l’attention internationale pourraient freiner une escalade, contrairement à Congo-Brazzaville en 1997. Mais leur impact dépendra de la gestion de Kinshasa et des réactions sur le terrain. Les précédents – comme la perquisition de la ferme de John Numbi en 2023 ou l’attaque d’une résidence de Kabila en 2024 – montrent que la violence peut surgir vite, mais aussi être contenue.

VERDICT : UN PARI RISQUE POUR TSHISEKEDI

Face à cette double menace – la perquisition de Kingakati et le retour de Kabila dans l’est – la RDC se tient à un carrefour critique.

Politiquement, ce retour menace de polariser le pays. Sécuritairement, il risque d’encourager les rebelles et d’aggraver les violences. Militairement, il pourrait fracturer les FARDC et tendre les relations avec les voisins.

Une gestion maladroite de ces événements pourrait rappeler les heures sombres de Brazzaville.

Le gouvernement de Tshisekedi et la communauté internationale devraient agir vite, privilégiant dialogue et médiation pour désamorcer cette situation potentiellement explosive, même si les conséquences peuvent être décalées…

Résistant Congolais

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