
C’est un coup de théâtre qui résonne des ruelles cabossées de Kinshasa aux couloirs feutrés de Washington : le 7 avril 2025, la présidence de la République démocratique du Congo a brutalement suspendu tous ses contrats avec les firmes de lobbying américaines. En ligne de mire, un accord explosif avec Earhart Turner, une obscure société liée à l’entourage de Donald Trump, dont le coût mirobolant a mis le feu aux poudres.
Entre soupçons de corruption, surfacturation et jeux d’influence géopolitique, ce scandale expose les fragilités du régime de Félix Tshisekedi à un tournant crucial.
Plongée dans une affaire où l’argent, le pouvoir et les ambitions internationales s’entremêlent.
UN CONTRAT QUI SENT LA POUDRE
L’histoire commence dans l’ombre des gratte-ciel de K Street, le fief des lobbyistes à Washington. Là, Earhart Turner émerge comme une étoile filante dans le ciel du lobbying. À sa tête, Karen Giorno, une fidèle de Donald Trump, ancienne stratège de sa campagne en Floride en 2016 et figure influente des cercles républicains. Son CV impressionne : elle a conseillé Laura Bush et le gouverneur Rick Scott. Mais c’est sa proximité avec Trump qui intrigue. Une photo virale montre Tshisekedi, casquette « Make America Great Again » vissée sur la tête, posant aux côtés de Giorno lors d’une rencontre à Kinshasa. Un clin d’œil symbolique à une alliance souahitée entre la RDC et la Maison-Blanche trumpiste, revenue au pouvoir en janvier 2025.
Le contrat, paraphé avec le conseiller spécial à la sécurité Eberande, fait l’effet d’une bombe.
Son montant ? Officiellement 5 millions de dollars pour six mois, soit 833 333 dollars par mois, selon PR News. Mais des rumeurs persistantes évoquent une somme encore plus folle : 1,2 million de dollars mensuels, pour un total de 7,2 millions.
À titre de comparaison, Ballard Partners, un poids lourd du secteur, facture 100 000 dollars par mois pour des services similaires. « C’est du jamais-vu », s’étrangle un lobbyiste concurrent, sous couvert d’anonymat. « Kinshasa a misé gros sur Trump, mais à quel prix ? »
UNE ODEUR DE CORRUPTION FLOTTE DANS L’AIR
À Washington, le contrat fait grincer des dents. « Earhart Turner était une inconnue avant ça« , confie un insider. « Les soupçons de surfacturation et de corruption ont enflé comme une vague. » Les services promis — communication stratégique, plaidoyer auprès du Congrès, recherches sur la sécurité nationale — sont standards dans le milieu. Mais leur coût exorbitant défie toute logique.
« C’est une tentative désespérée de s’acheter une légitimité auprès de Trump », avance un diplomate occidental. « Sauf que ça sent le dessous-de-table à plein nez. »
Le Foreign Agents Registration Act (FARA), qui régit les contrats de lobbying avec des gouvernements étrangers, impose une transparence totale. Pourtant, l’opacité autour de cet accord a semé le doute. « La suspension n’est pas un choix stratégique, mais une fuite en avant », assure une source proche du dossier. « Le tollé était trop fort, à Kinshasa comme à Washington. »
Car au Congo, les rumeurs de détournement d’argent public commencent à bruisser dans les marchés et les salons politiques.
UN TIMING QUI TOMBE MAL
Le scandale éclate dans un contexte brûlant. Quelques jours plus tôt, le 3 avril, Massad Boulos, conseiller Afrique de Trump et beau-père de sa fille Tiffany, foulait le sol congolais. Sa mission : négocier la paix dans l’est du pays et sceller un deal « minéraux contre sécurité« . Cobalt, lithium, uranium : les trésors congolais attisent les convoitises américaines face à la Chine. Annoncée par le Département d’État, cette visite devait marquer un rapprochement historique. Mais la suspension du contrat, survenue à peine quatre jours plus tard, jette un froid.
Coïncidence ? Peu y croient. « Tshisekedi a senti le vent tourner », glisse un analyste.
Le Congressman Ronny Jackson, après une visite en RDC en mars, avait déjà tiré la sonnette d’alarme. Dans une interview à NilePost, il fustigeait « une corruption endémique » et un « manque de contrôle » sur l’est du pays, où le M23/AFC gagne du terrain. Le contrat avec Earhart Turner semble être la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Une pirouette officielle qui ne convainc pas

Dans un communiqué relayé par POLITICO, la présidence congolaise tente de reprendre la main : la suspension viserait à « privilégier des canaux officiels et directs avec l’administration Trump ». Une justification qui sonne comme une excuse maladroite. « Personne n’est dupe », tranche un observateur. « C’est une opération de sauvetage après un fiasco. » L’objectif semble clair : limiter les dégâts alors que les critiques pleuvent des deux côtés de l’Atlantique.
Mais l’affaire révèle des fissures plus profondes. La RDC, géant aux pieds d’argile, joue sa survie sur la scène internationale.
Face aux rebellions dans l’est et à une économie vacillante, Tshisekedi mise sur des alliances étrangères pour tenir.
L’accord minier avec les États-Unis pourrait être une aubaine, mais ce scandale risque de tout compromettre. « La corruption est un boulet que Kinshasa traîne depuis trop longtemps », déplore un expert. « Sans transparence, pas d’investisseurs américains. »
Un avenir incertain
Que reste-t-il de ce feuilleton ? La suspension d’Earhart Turner apaise peut-être les esprits pour un temps, mais les questions s’accumulent.
Une enquête sous le FARA verra-t-elle le jour ? Tshisekedi pourra-t-il regagner la confiance de Washington ? Et surtout, ce scandale freinera-t-il les ambitions géopolitiques d’un pays qui rêve de grandeur ?
Une certitude demeure : cette affaire met en lumière les dérives d’une diplomatie opaque, où les intermédiaires sulfureux et les chèques à sept chiffres ternissent l’image d’un régime en quête de légitimité, dans un pays que demeure un des plus pauvres au monde, selon son revenu par habitant.
À Kinshasa, le prix de l’ambition et de la survie politique du régime se paye au prix fort, à la barbe du contribuable congolais, abandonné à lui-même, entre inondations, manque d’infrastructures de base et pauvreté endémique.
Résistant Congolais
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