
Kinshasa, RDC – Dans une annonce inattendue, l’ancien président congolais Joseph Kabila a déclaré vouloir rentrer au pays mettant fin à son exil, pour s’installer dans l’est, une région sous le contrôle des rebelles du M23 et de l’Alliance Fleuve Congo (AFC). Révélée par une lettre publiée dans Jeune Afrique et relayée sur les réseaux sociaux, cette décision intervient alors que la République Démocratique du Congo traverse une crise sécuritaire majeure. Depuis janvier 2025, les forces du M23/AFC ont pris des villes clés comme Goma et Bukavu, défiant l’armée nationale.
En choisissant de s’établir dans ce bastion rebelle plutôt qu’à Kinshasa, Kabila jette de l’huile sur un feu déjà ardent, au risque d’embraser davantage un pays au bord du gouffre.
UN DEFI LANCE A TSHISEKEDI
Joseph Kabila, qui a dirigé la RDC de 2001 à 2019, avait quitté le pouvoir dans un climat de tumulte politique avant de s’exiler en 2024. Son règne, marqué par des accusations d’autoritarisme et violations des droits de l’homme, reste controversé. Aujourd’hui, son retour annoncé dans une zone contrôlée par les rebelles apparaît comme une provocation directe envers le président Félix Tshisekedi, dont le gouvernement peine à enrayer l’avancée du M23/AFC.
Pour les analystes, ce choix n’est pas anodin. « Kabila joue gros », estime Marie Nkosi, politologue à l’Université de Kinshasa. « Il veut soit remobiliser ses soutiens dans l’est, soit faire pression sur Kinshasa en flirtant avec les rebelles. C’est un pari qui peut tout aussi bien le propulser que le détruire. » En toile de fond, la rivalité entre le Front Commun pour le Congo (FCC) de Kabila et le pouvoir en place menace de dégénérer en conflit ouvert.
LES REBELLES APPLAUDISSENT, LE GOUVERNEMENT S’INSURGE
Du côté des rebelles, l’enthousiasme est palpable. Corneille Nangaa, chef de l’AFC, a qualifié l’annonce de Kabila d’« opportunité historique ». « Son retour prouve que l’est ne peut être ignoré», a-t-il déclaré, voyant dans l’ancien président un allié potentiel pour leur quête d’autonomie. Le M23/AFC, accusé d’être soutenu par le Rwanda, y voit aussi une légitimation de son emprise sur la région.
À Kinshasa, la réponse est cinglante. Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a dénoncé une « trahison » et promis une riposte ferme si Kabila met son plan à exécution. « Collaborer avec des insurgés soutenus par l’étranger est inacceptable », a-t-il martelé, laissant planer la menace d’une confrontation directe.
L’EST, UN BARIL DE POUDRE
L’est congolais, théâtre de violences, est un cocktail explosif de tensions ethniques, de pillage des ressources et d’ingérences étrangères. Relancé en 2022, le M23/AFC a profité des frustrations locales et d’un prétendu appui rwandais pour s’imposer, malgré les condamnations internationales et les sanctions. Les cessez-le-feu, comme celui rejeté en mars 2025, n’ont fait que retarder l’escalade.
L’arrivée potentielle de Kabila dans ce chaos pourrait tout changer. « S’il renforce la légitimité du M23, cela risque d’attirer des défections au sein de l’armée », prévient Jean-Pierre Lacroix, expert à l’International Crisis Group. Mais certains doutent de ses intentions réelles. « C’est peut-être du bluff », avance François Balumuene, ex-diplomate. « Kabila pourrait chercher à négocier avec Tshisekedi ou à galvaniser sa base pour un retour politique. »
UNE CRISE HUMANITAIRE EN EMBUSCADE
Le coût humain d’un tel scénario serait désastreux. Avec plus de 7 millions de déplacés, l’est est déjà à bout de souffle. « Une escalade liée à Kabila pourrait provoquer une nouvelle vague de réfugiés », alerte Amina Nzamba, de Médecins Sans Frontières. « Les habitants n’en peuvent plus ».
Sur le plan régional, les tensions avec le Rwanda, qui nie tout soutien au M23/AFC, pourraient s’aggraver. Les efforts de paix, comme les pourparlers de Doha relancés en avril 2025, risquent de voler en éclats. L’ONU et l’Union africaine ont appelé à la retenue, mais leurs mises en garde sonnent creux face à l’ampleur de la crise.
STRATEGIE OU SUICIDE POLITIQUE ?
Que cherche vraiment Kabila ? Habitué des tractations en coulisses, il n’a jamais brillé par son volontarisme. Son retour pourrait être une tentative désespérée de reprendre la main ou une offre implicite de médiation avec le M23/AFC. « Il n’est pas un homme de terrain », note Marie Nkosi. « S’il se trompe, il risque l’isolement total. »
Pour Tshisekedi, c’est un casse-tête supplémentaire. Traiter Kabila en adversaire politique ou en menace sécuritaire ? La réponse définira l’avenir du conflit. Une chose est sûre : l’annonce a redistribué les cartes dans un pays où le pouvoir se gagne souvent, malheureusement, par les armes.
VERS LA PAIX OU LE CHAOS ?
Le retour de Kabila, ancien militaire, sera-t-il un tournant ou une catastrophe ? S’il va au bout, il pourrait négocier avec les rebelles ou attiser une guerre sans fin. Pour l’instant, la RDC retient son souffle, et le monde observe, impuissant. Dans cet Est martyrisé de la RDC, une seule certitude demeure : chaque pas de Kabila sera scruté, chaque mot pesé.
La paix ou le chaos ? L’histoire de ce pays est en train de s’écrire et elle pourrait être pleine de rebondissements inattendus, comme la réaction de l’armée face à cette confrontation entre l’ancien et le nouveau président.