
L’Ouganda, allié ou adversaire dans le chaos congolais ?
La question résonne comme un cri d’alarme dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où Kampala jongle entre coopération militaire et accusations de duplicité. Officiellement, l’Ouganda combat les rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF) aux côtés des forces congolaises depuis 2021, dans le cadre de l’opération Shuya. Mais dans le même temps, des rapports des Nations Unies pointent du doigt son soutien présumé au M23/AFC, un groupe armé qui ravage le Nord-Kivu. Aujourd’hui, l’expansion de l’opération conjointe à Shuya à Bunia et Djugu, deux localités stratégiques de l’Ituri, jette une lumière crue sur cette ambiguïté.
Surtout que la signature entre FARDC et UPDF de l’accord sur l’élargissement des opérations conjointes ne fait que couvrir et « légitimer » la présence, déjà constatée, de l’armée ougandaise de Bunia Jusqu’ à Djugu, depuis plusieurs semaines.
Sécurité régionale ou intérêts économiques ? Les masques tombent, révélant un jeu d’équilibriste aux enjeux colossaux.
Shuya s’étend : un front élargi, des questions en cascade
Lancée en novembre 2021, l’opération Shuya avait un objectif clair : neutraliser les ADF, affiliés à l’État islamique, auteurs de massacres brutaux dans l’Ituri et le Nord-Kivu. En février 2025, elle prend une nouvelle dimension avec son extension à Bunia, capitale provinciale de l’Ituri, et à Djugu, zone minée par des milices comme Codeco et Zaïre. « Il s’agit d’harmoniser les efforts contre les groupes armés qui pillent et terrorisent », confie une source militaire à RFI. Sur le papier, l’intention est louable. Mais le terrain raconte une autre histoire. L’Ituri, riche en or, est un trésor convoité. Un rapport d’IPIS souligne que cette province est un carrefour de l’exploitation minière artisanale, dont l’Ouganda tire profit en tant que grand exportateur. Sécurité ou business ? Les deux semblent se confondre dans cette offensive élargie.
LE SPECTRE DU M23/AFC PLANE SUR KAMPALA
Pendant que l’armée ougandaise (UPDF) gagne du terrain en Ituri, des ombres s’amoncellent autour de son rôle dans le conflit congolais. Juillet 2024 : un rapport onusien accuse Kampala de fournir armes et soutien logistique au M23, qui multiplie les attaques dans le Nord-Kivu. L’Ouganda dément, mais le doute persiste. « Kampala joue sa propre partition », décrypte Kristof Titeca, expert à l’université d’Anvers. « Ni totalement aligné sur le Rwanda, ni sur le M23, l’Ouganda étend son influence avec une autonomie calculée. » Une stratégie qui protège sa frontière tout en dopant son économie : la RDC reste un marché clé pour ses exportations, et l’or congolais alimente ses coffres, comme le note New Vision.
TSHISEKEDI FACE AU DILEMME OUGANDAIS
À Kinshasa, Félix Tshisekedi opte pour la prudence. « Il évite d’ouvrir un second front« , observe Onesphore Sematumba, analyste à l’International Crisis Group. Une confrontation directe avec l’Ouganda, ancien allié du Rwanda dans les guerres congolaises, serait un pari risqué. Surtout quand Muhoozi Kainerugaba, chef des forces ougandaises et fils de Museveni, brandit la menace d’une incursion à Kisangani – un écho aux affrontements de 2000. Alors, Tshisekedi ferme les yeux sur les zones grises, misant sur une coopération de façade pour stabiliser l’est. Une realpolitik qui pourrait lui coûter cher.

Les forces armées congolaises #FARDC
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pour intensifier la traque des groupes armés locaux
UN AVENIR SUSPENDU A UN FIL
L’expansion de Shuya à Bunia et Djugu met en lumière les paradoxes de l’engagement ougandais. D’un côté, elle renforce la lutte contre les milices en Ituri. De l’autre, elle attise les soupçons sur les véritables ambitions de Kampala. « L’Ouganda poursuit un cocktail d’intérêts : sécuritaires, économiques, politiques« , résume Titeca. En s’implantant loin des fiefs du M23/AFC, il sécurise ses arrières tout en polissant son image d’allié. Mais ce numéro d’équilibriste est fragile. Une étincelle diplomatique avec Kinshasa pourrait tout faire basculer.
Et après ? L’Ouganda avance ses pions dans un échiquier régional déjà saturé de tensions. Entre coopération affichée et soutiens occultes- comme celui à la rébellion de Thomas Lubanga- Kampala maintient le flou, au risque de fragiliser davantage une RDC à bout de souffle.
La paix dans l’est congolais reste un mirage, suspendue à la résolution de ce nœud gordien d’intérêts croisés. Pour l’instant, l’ambiguïté règne – et avec elle, l’instabilité.
Résistant Congolais