UN REVERS MAJEUR POUR LA FACILITATION ANGOLAISE AUTOPROCLAMEE : LE M23/AFC SE RETIRE DES POURPARLERS DE LUANDA

Dans un communiqué daté du 17 mars 2025, le groupe rebelle M23 a asséné un coup dur au fragile processus de paix en République démocratique du Congo (RDC) en annonçant son retrait des négociations prévues à Luanda, en Angola, le lendemain. Signé par Lawrence Kanyuka, porte-parole politique du mouvement, ce document met en lumière une série de griefs qui, selon le groupe, rendent tout dialogue impossible. Cette décision menace non seulement de faire dérailler les efforts pour mettre fin à des années de conflit dans l’est du pays, mais elle fait également planer le risque d’une escalade militaire aux conséquences potentiellement désastreuses pour la stabilité régionale et les populations civiles déjà éprouvées.

Une histoire de conflit et d’espoirs déçus

L’est de la RDC est depuis longtemps un théâtre d’affrontements entre groupes armés, dont le M23, né en 2012 d’une mutinerie au sein de l’armée congolaise. Composé majoritairement de combattants tutsis, le mouvement affirme défendre les droits de cette communauté face à la marginalisation et aux persécutions. Mais ses actions, souvent entachées d’accusations de violations des droits humains et d’exploitation des ressources minières, ont alimenté un cycle de violence qui a jeté des millions de personnes sur les routes et coûté d’innombrables vies. Ces dernières années, des initiatives de paix, notamment sous l’égide de l’Angola, ont tenté de ramener les belligérants à la table des négociations. Les pourparlers de Luanda devaient être une étape significative, s’appuyant sur un cessez-le-feu précaire pour aborder les causes profondes du conflit entre le gouvernement de la RDCongo et le mouvement rebelle M23/AFC. Le retrait soudain – mais prévisible -du M23/AFC remet tout en question.

Les raisons d’un abandon

Le M23 justifie sa décision par un faisceau de facteurs. En tête de liste figurent les sanctions imposées par les États-Unis, l’Union européenne et les Nations unies contre ses dirigeants, dont Bertrand Bisimwa, président du groupe. Ces mesures, visant à punir les responsables de violations des droits humains et d’atteintes à la paix, sont perçues par le mouvement comme une tentative biaisée de saper leur légitimité et leur position dans les négociations. « Les sanctions internationales ont instauré un climat de méfiance et d’hostilité qui rend impossible une participation de bonne foi », a déclaré Kanyuka dans le communiqué.

À cela s’ajoute l’attitude ambivalente du président congolais Félix Tshisekedi. Longtemps réticent à dialoguer directement avec le M23/AFC, il a récemment entrouvert la porte à des discussions, un revirement que le groupe juge suspect. « L’inconstance du président fragilise la crédibilité du processus de paix et trahit un manque d’engagement sincère », a ajouté Kanyuka. Les analystes régionaux partagent cet avis, soulignant que sans une direction claire et ferme de Kinshasa, les espoirs de paix resteront fragiles.

Enfin, le M23/AFC pointe du doigt les opérations militaires du gouvernement congolais. Selon le groupe, l’armée, appuyée par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), a multiplié les attaques contre les populations civiles dans les zones sous contrôle rebelle, utilisant des drones de combat chinois CH-4 et des chasseurs Sukhoï-25. Des rapports indépendants confirment ces allégations, décrivant un schéma préoccupant de violences ciblées et de destructions. « Le recours à la force plutôt qu’à la diplomatie ne fait qu’aggraver les divisions », a déploré un porte-parole de l’OCHA, l’agence humanitaire des Nations unies.

Un processus de paix en péril

L’annulation des pourparlers de Luanda compromet gravement les perspectives de règlement rapide. Sans dialogue direct, le spectre d’une reprise des hostilités à grande échelle se profile.

Fort de gains territoriaux récents, notamment dans les villes stratégiques de Goma et Bukavu, le M23/AFC pourrait chercher à renforcer son emprise, accentuant l’instabilité régionale. De son côté, le gouvernement congolais, sous pression pour réaffirmer son autorité, risque d’intensifier sa campagne militaire, avec le danger d’entraîner les pays voisins dans un conflit plus large.

Une communauté internationale désemparée

Face à cette crise, la communauté internationale se trouve dans une position délicate. Les sanctions, censées contraindre le M23/AFC à coopérer, semblent avoir eu l’effet inverse, radicalisant le groupe. « Les sanctions sont une arme à double tranchant », observe un diplomate impliqué dans la médiation. « Elles visent à décourager les dérives, mais elles peuvent aussi figer les positions et compliquer les compromis. » Le Conseil de sécurité des Nations unies a appelé à une cessation immédiate des violences et à une reprise des négociations, mais sans moyens concrets pour faire appliquer ces exigences, leur portée reste limitée.

Une crise humanitaire au bord du gouffre

Les conséquences humaines du conflit sont déjà colossales : plus de sept millions de déplacés et une population en détresse criante. Une escalade des combats aggraverait cette tragédie, dépassant les capacités des organisations humanitaires. « La situation est critique, et la fenêtre pour une solution pacifique se referme », alerte un représentant d’Amnesty International. « Les parties doivent donner la priorité à la protection des civils et renouer avec le dialogue, sous peine de précipiter la région dans un abîme encore plus profond. »

Une lueur d’espoir malgré tout

Malgré ce revers, tout n’est pas perdu. L’équipe de médiation angolaise s’est engagée à poursuivre ses efforts, et des signes de discussions informelles entre le gouvernement et le M23/AFC subsistent. L’Union africaine et les Nations unies ont également promis un soutien accru, conscients de l’urgence d’une réponse coordonnée. De plus, il ne faut pas oublier que le processus de paix aurait du se tenir sous la médiation d’une troika d’anciens chefs d’ état africains désignés par la SADEC-EAC et « télescopés » par la médiation angolaise, unilatéralement investie dans la facilitation.

En somme, le retrait du M23/AFC des pourparlers de Luanda constitue un obstacle majeur, mais pas insurmontable, sur la voie de la paix en RDC. Il faudra une diplomatie habile, une prise en compte des griefs légitimes de toutes les parties et un engagement inébranlable pour protéger la population congolaise. Alors que la communauté internationale se mobilise pour sauver le processus de négociation fusionné de Luanda et Nairobi, l’enjeu est immense : l’avenir de la RDC et la stabilité de la région des Grands Lacs sont en jeu.

Résistant Congolais

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