TSHISEKEDI FRANCHIT SA PROPRE LIGNE ROUGE: LA NEGOCIATION AVEC LE M23/AFC, UN REVIREMENT SPECTACULAIRE

L’annonce selon laquelle Félix Tshisekedi, président de la République Démocratique du Congo (RDC), aurait accepté, lors d’une rencontre avec son homologue angolais João Lourenço le 11 mars 2025, de négocier directement avec le Mouvement du 23 mars (M23) et l’ Alliance du Fleuve Congo, sa branche politique, marque un tournant potentiel dans la gestion du conflit qui ravage l’est du pays.

Cette décision, si elle se concrétise, intervient après des années de refus catégorique de dialoguer avec ce groupe armé, qualifié par Kinshasa de « terroriste » et accusé d’être soutenu par le Rwanda. Analysons les implications, les contradictions et les conséquences possibles pour la RDC et sa situation sécuritaire.

CHANGEMENT DE STRATEGIE DIPLOMATIQUE ET MILITAIRE

Jusqu’à récemment, Tshisekedi a privilégié une approche militaire, appuyée par des forces régionales comme la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) et une rhétorique nationaliste contre le Rwanda. Accepter des négociations directes avec le M23/AFC, sous la médiation angolaise, pourrait signaler une reconnaissance implicite de l’échec de cette stratégie face à l’avancée militaire du groupe, qui contrôle désormais des villes clés comme Goma et Bukavu. Cela pourrait également refléter une pression internationale croissante pour une solution pacifique, notamment de la part de l’Angola, mandaté par l’Union africaine.

LEGITIMATION POLITIQUE POTENTIELLE DU M23/AFC

En s’asseyant à la table des négociations, Kinshasa risque de conférer une forme de légitimité politique au M23/AFC, un mouvement que le gouvernement a toujours présenté comme une marionnette rwandaise plutôt qu’un acteur légitime. Cela pourrait ouvrir la voie à des revendications plus larges du groupe, notamment sur des questions d’intégration dans l’armée ou de reconnaissance des droits des communautés congolaises, qu’il prétend défendre.

RAPPROCHEMENT REGIONAL

La médiation angolaise, si elle aboutit, pourrait faciliter un dialogue indirect avec le Rwanda, accusé de soutenir le M23/AFC.

Une désescalade des tensions entre Kinshasa et Kigali serait un objectif sous-jacent, bien que cela reste incertain compte tenu de l’animosité profonde entre Tshisekedi et Paul Kagame.

CONTRADICTIONS : LES INCOHERENCES AVEC LE DISCOURS OFFICIEL

Tshisekedi a bâti une image de « chef de guerre » intransigeant, mobilisant la population contre le Rwanda et le M23/AFC. Accepter de négocier contredit cette posture, risquant de miner sa crédibilité auprès de ses soutiens nationalistes, notamment au sein de l’Union sacrée de la nation (USN) et de la population de l’Est, qui voit le M23 comme une menace existentielle. Cette volte-face pourrait être perçue comme un aveu de faiblesse ou une capitulation.

REJET ANTERIEUR DES MEDIATIONS SIMILAIRES

Kinshasa a souvent saboté ou ignoré des initiatives précédentes, comme le processus de Luanda en décembre 2024, en refusant tout dialogue direct avec le M23. Accepter maintenant cette option sous la même médiation angolaise soulève des questions sur ce qui a changé : une pression accrue de la communauté internationale, une situation militaire désespérée, ou une volonté de préserver des alliances régionales ?

POSITION AMBIVALENTE SUR LE RWANDA

Tshisekedi continue d’accuser Kigali de parrainer le M23/AFC, mais négocier avec ce groupe rebelle pourrait être vu comme une contradiction stratégique. Cela risque de mettre sur la table des négociations les « causes profondes et politiques » du conflit, que le M23/AFC souhaite voir abordées.

CONSEQUENCES POUR LA RDC ET SA SITUATION SECURITAIRE: APAISEMENT TEMPORAIRE OU ESCALADE

Si les négociations aboutissent à un cessez-le-feu durable et à un accord, cela pourrait offrir un répit à une population épuisée par des décennies de conflit, permettant le retour de déplacés et une stabilisation relative dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Cependant, si elles échouent ou si le M23/AFC utilise ce dialogue pour renforcer sa position, le conflit pourrait s’intensifier, avec des risques d’expansion vers d’autres régions.

IMPACT SUR LA COHESION NATIONALE

Une frange de la population et des élites politiques risque de rejeter cet accord, le percevant comme une trahison. Cela pourrait exacerber les divisions internes, déjà fragilisées par les critiques de figures comme Joseph Kabila, et alimenter des troubles à Kinshasa ou ailleurs. À l’inverse, un succès pourrait renforcer Tshisekedi en le présentant comme un pragmatique capable de ramener la paix.

DYNAMIQUE REGIONALE ET SECURITAIRE

Un accord avec le M23/AFC pourrait modifier les équilibres dans la région des Grands Lacs. Le Rwanda, s’il n’est pas inclus, pourrait chercher à saboter le processus pour maintenir son influence. Par ailleurs, d’autres groupes armés actifs dans l’est (comme les FDLR ou les milices locales dites WAZALENDO) pourraient se sentir marginalisés ou trahies et intensifier leurs actions, compromettant la sécurité globale.

DEPENDANCE ACCRUE ENVERS L’ANGOLA

En s’appuyant sur la médiation de João Lourenço, la RDC renforce sa dépendance envers Luanda, tant sur le plan diplomatique que militaire (avec la présence de troupes angolaises dans l’est). Cela pourrait limiter la souveraineté de Kinshasa dans la résolution de ses propres conflits internes.

LE PARI DE TSHISEKEDI, BIEN CONNU POUR SES REVIREMENTS SEPCTACULAIRES

L’acceptation par Tshisekedi de négocier avec le M23/AFC en Angola, si elle se confirme concrètement, est un pari risqué mais potentiellement nécessaire face à une situation sécuritaire critique. Elle offre une chance de désescalade, mais expose le président à des contradictions internes et à des incertitudes régionales. Pour la RDC, les conséquences dépendront largement de la capacité de Kinshasa à transformer cet engagement en une paix durable, tout en gérant les réactions hostiles et les ambitions du M23/AFC et de ses soutiens présumés.

D’ autant plus qu’une partie important de l’opposition mais aussi de la société civile (comme l Eglise Catholique et protestante), représentée par Martin FAYULU (« Dialogue de cohésion nationale« ) et Eugène DIOMI NDONGALA ( « Donnons une chance à la paix« ), sans oublier le Pacte social de la CENCO, avaient, depuis des mois et bien avant la prise de Goma par le M23/AFC, un Dialogue qui, tout en incluant le M23/AFC, aurait aussi impliqué la participation de toutes les forces vives de la nation, afin de résorber la crise multiforme qui mine le pays.

Le choix du régime Tshisekediste d’aller négocier seul face aux rebelles, l’exposes aux conséquences politiques et aux aléas de cette négociation, dont il sera le seul responsable face à la nation congolaise.

À court terme, cette négociation directe pourrait apaiser les tensions; à long terme, elle risque de redéfinir les rapports de force dans un pays déjà fracturé.

Résistant Congolais

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