Lors d’une rencontre pour la jeunesse, organisée par l’ IGF, la Première ministre Judith Suminwa et le ministre de la Justice Constant Mutamba s’affrontent sur fond de détournement de fonds publics
Kinshasa, RDC – Ce qui devait être une leçon de patriotisme pour la jeunesse congolaise s’est transformée en un affrontement verbal retentissant. Lors d’une rencontre organisée par l’Inspection Générale des Finances (IGF) au centre culturel de Kinshasa, la Première ministre Judith Suminwa et le ministre de la Justice Constant Mutamba ont croisé le fer devant une audience médusée. En cause : des accusations à peine voilées de détournement de fonds publics, un sujet brûlant dans un pays rongé par la corruption et secoué par la guerre dans l’est.
UN ECHANGE EXPLOSIF
L’incident a éclaté lorsque Constant Mutamba, fidèle à son style provocateur, a lâché une déclaration choc : « Je sens l’odeur du détournement dans cette salle. Si tu es patriote, tu ne peux pas détourner les soldes pour les militaires. » Ses mots, lourds de sous-entendus, ont visé un point sensible : les malversations qui privent les soldats de leurs salaires en pleine offensive contre le M23/AFC et d’autres groupes rebelles. Dans un pays où la sécurité nationale vacille, l’accusation résonne comme une bombe.
Judith Suminwa, Premier ministre de l a RDCongo, n’a pas laissé l’attaque sans réponse. « Vous pouvez demander à ceux qui me connaissent, depuis mon école primaire je n’ai jamais triché, » a-t-elle lancé, avant d’enfoncer le clou avec une pointe d’ironie : « Le ministre d’État de la Justice vient d’affirmer qu’il perçoit une odeur de détournement, partagez-vous cette perception alors que nous sommes ici et qu’un parfum de malversation semble flotter parmi vous ? Est-ce normal ? » Sa réplique, à la fois personnelle et cinglante, a cherché à désamorcer l’accusation tout en renvoyant Mutamba dans ses cordes. Franchement sans beaucoup de succès…
UN CONTEXTE TENDU
L’événement, censé sensibiliser les jeunes au patriotisme et à la lutte contre la corruption, a pris une tournure imprévue. Organisé par l’IGF, il réunissait des figures de premier plan pour promouvoir des valeurs essentielles dans une République Démocratique du Congo (RDC) confrontée à des défis titanesques : insécurité dans l’est, précarité économique, et un fléau de corruption qui saigne les ressources publiques. Mais au lieu d’inspirer, cette confrontation publique a jeté une lumière crue sur les divisions au sein du gouvernement.
Les deux protagonistes incarnent des approches opposées. Suminwa, technocrate et burocrate, privilégie lre négationnisme, à tout pris. Mutamba, ancien opposant reconverti en ministre, mise sur un discours direct et des sorties médiatiques fracassantes. Leur clash illustre des tensions plus profondes, peut-être des divergences sur la gestion de la corruption ou des luttes de pouvoir au sommet de l’État.
DES IMPLICATIONS LOURDES
Cet échange n’est pas qu’une querelle d’ego. Il intervient alors que le gouvernement, investi en juin 2024, peine à convaincre après cinq mois au pouvoir. La guerre dans l’Est s’intensifie, les conditions de vie se dégradent, et la population s’impatiente face à des promesses non tenues.
Dans ce climat, une altercation entre deux hauts responsables risque de miner davantage la crédibilité de l’exécutif.
Sur les réseaux sociaux, les réactions fusent. Certains dénoncent un « théâtre gouvernemental » indigne d’un pays en crise, tandis que d’autres saluent Mutamba pour avoir osé nommer le tabou du détournement, même de manière maladroite. Une chose est sûre : cet épisode alimente le scepticisme des Congolais envers leurs dirigeants et leur réelle volonté à mettre un terme à la corruption.
Le sujet des soldes militaires, évoqué par Mutamba, ajoute une couche de gravité. En temps de guerre, priver les soldats de leurs moyens revient à fragiliser la défense nationale. Si des enquêtes sérieuses ne suivent pas ces allégations, elles resteront des mots en l’air – ou pire, une diversion.
UN DEFI POUR L’AVENIR
Pour Judith Suminwa, cet incident est un test. Première femme Première ministre, elle doit prouver qu’elle peut tenir les rênes d’un gouvernement fracturé tout en affrontant les crises externes. Pour Constant Mutamba, ministre de la Justice, la lutte contre la corruption est une mission noble, mais elle exige des preuves, pas seulement des provocations ou bien des beaux discours.
Dans un pays où les ressources sont pillées et les espoirs souvent déçus, les Congolais n’attendent pas des joutes verbales, mais des résultats tangibles :
des comptes publics assainis, des responsables sanctionnés, des soldats payés.
Sans cela, le « parfum de malversation » continuera d’empoisonner l’air, bien au-delà des salles de réunion. La question demeure : ce gouvernement saura-t-il dépasser ses divisions pour relever les défis posés par une gestion calamiteuse des finances publiques ou ce clash n’est-il qu’un avant-goût de tempêtes plus grandes encore, avec des rebondissements importants à venir?
Le manque de cohésion gouvernementale nous laisse certainement dubitatif sur la capacité de ce gouvernement d’arrêter de mettre la tête sous le sable et d’appliquer la politique de l’autruche en matière de mauvaise gestion des finances publiques.
En effet, on se demande comment une PM qui nie l’existence de la corruption pourra-t-elle efficacement lutter contre les détournements bien réels au sein de l’ actuel gouvernement.
Résistant Congolais