
Dans les coulisses feutrées de l’Assemblée nationale de la République Démocratique du Congo, un vent de tempête se lève contre Vital Kamerhe, le président de cette institution au cœur du pouvoir.
Une collecte de signatures pour une motion de censure à son encontre agite les réseaux sociaux et les cercles politiques, avec, selon des chiffres non officiels, pas moins de 310 paraphes déjà récoltés. L’objectif ? Faire tomber celui qui, il y a encore quelques mois, jurait de remettre le Parlement au centre du jeu démocratique congolais, sans avoir effectivement atteint cet objectif…
Mais d’où vient cette subite révolte ? Officiellement, le flou persiste sur les motivations précises. Pourtant, à y regarder de plus près, le contexte politique livre quelques indices troublants. Kamerhe, un pilier de l’Union Sacrée de la Nation (USN) – la coalition majoritaire – n’a jamais été un homme consensuel. Son parcours, fait de coups d’éclat et de revers, en a fait une figure contestée, une cible idéale dans l’arène impitoyable des luttes intestines.
A ne pas oublier le vrai faux coup d’état mené en mai 2024 par Christian Malanga qui, avant d’attaquer le Palais de la Nation, avec une poignée d’hommes, avait attaqué la résidence privée de Vital Kamhere. Selon certaines voix, le vrai objectif de l’ action de Malanga, tué au Palais de la Nation le 19 mai 2024, aurait été d’atteindre Kamhere.
Une dislocation de la majorité en toile de fond
À cette fronde parlementaire s’ajoute un autre séisme politique : la dislocation progressive de l’USN, coalition qui a permis à Tshisekedi de consolider son pouvoir après la rupture avec son prédécesseur, Joseph Kabila. Cette fragmentation, exacerbée par les tensions sécuritaires dans l’est du pays, notamment la résurgence du M23/AFC, fragilise l’équilibre politique.
La guerre, qui ravage les provinces orientales, ne se contente pas de semer la mort et le chaos ; elle fissure aussi les alliances à Kinshasa. Des voix discordantes au sein de l’USN critiquent la gestion de la crise : certains appellent à une ligne dure face au M23/AFC, tandis que d’autres, comme Kamerhe, prônent le dialogue. Cette division interne affaiblit la cohésion de la majorité et pourrait bien avoir des répercussions directes sur le sort de Kamerhe, dont la position sur le conflit est scrutée de près. Cette dislocation de l’USN, effet collatéral de la guerre, menace désormais la stabilité politique à l’échelle nationale. D’autant plus, qu’au cours d’une réunion avec sa majorité, Félix Tshisekedi a annoncé, la semaine passée, un chambardement dans le présidium de cette structure. A noter que Kamhere n’avait pas participé à la rencontre.
Une promesse qui sonne pour certaines comme une menace
L’une des clés de cette fronde pourrait résider dans son ambition affichée : renforcer le contrôle parlementaire sur l’exécutif. En s’appuyant sur les rapports de l’Inspection Générale des Finances, Kamerhe voulait mettre fin aux zones d’ombre et aux passe-droits en matière de gestion financière du gouvernement, semble-t-il. Une croisade louable sur le papier, mais qui, dans les faits, n’ a jamais été mise en application contre un membre du gouvernement. Surveillance accrue n’est pas un terme doux aux oreilles de ceux qui prospèrent dans l’opacité.
L’ombre du M23
Ajoutez à cela la crise sécuritaire qui gangrène l’est du pays, où le M23/AFC continue de défier Kinshasa. Kamerhe, natif de cette région tourmentée, prône le dialogue là où d’autres réclament une réponse musclée et rejetent toute négociation. Trop conciliant pour les uns, obstacle pour les autres, sa position divise. Et dans un climat où chaque décision peut être interprétée comme une prise de parti, ce choix stratégique pourrait bien lui coûter cher.
Rivalités et règlements de compte
Enfin, impossible de parler politique congolaise sans évoquer les rancunes personnelles qui s’invitent toujours à la table des négociations. Après avoir joué un rôle dans l’ascension de Tshisekedi en 2018, Kamerhe a traversé une tempête judiciaire avant de revenir en force. Une endurance qui irrite surtout dans les rangs de l’Udps, le parti du Président Tshilombo, où des personnalités militent toujours pour sa culpabilité dans les dossiers de détournement qui lui étaient imputés en tant que Directeur de Cabinet de Tshisekedi, dans la gestion calamiteuse du programme des cents jours, au debout de son premier mandat.
Pour certains, cette motion de censure en gestation à l’assemblée nationale, ressemble à une occasion rêvée de bousculer l’échiquier et de redistribuer les cartes du pouvoir, paradoxalement au même moment où un danger sécuritaire exceptionnel – l’avancée rebelle et la prise de deux capitales de provinces – menace la RDCongo.
Un cocktail explosif
Au final, ce qui se trame contre Vital Kamerhe tient du mélange détonant : tensions au sein d’une majorité en pleine dislocation, désaccords sur la gestion de l’Assemblée, divergences sur la sécurité et une bonne dose de luttes d’ego.
Le sort de cette motion reste incertain, mais une chose est sûre : elle met en lumière les fissures béantes qui traversent la classe politique congolaise, surtout en ce moment.
Dans ce théâtre d’ombres, chaque acte promet son lot de rebondissements.
Affaire à suivre…
Résistant Congolais