
RDC: UNE NATION AU BORD DU GOUFFRE, TIRAILLEE ENTRE AMBITIONS REGIONALES ET INTERETS EXTERIEURS, A LA VEILLE DU SOMMET ENTRE LA SADEC ET L’ EAC.
La République démocratique du Congo (RDC) se trouve une fois de plus au cœur d’une tempête géopolitique, alors que deux blocs régionaux, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), s’affrontent indirectement sur son territoire. Ce conflit, qui mêle enjeux sécuritaires, économiques et rivalités de pouvoir, illustre les fractures profondes qui traversent l’Afrique subsaharienne. Alors qu’un sommet urgent entre la SADC et l’EAC s’ouvre ce week-end en Tanzanie, les espoirs de résolution se heurtent à des intérêts divergents et à une méfiance persistante.
Contexte sécuritaire: l’Est de la RDC en proie au chaos
L’Est de la RDC, en particulier les provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu et Ituri, est le théâtre d’une instabilité chronique. Plus de 120 groupes armés y opèrent, dont les rebelles du M23, soutenus selon l’ONU par le Rwanda, ainsi que les Forces démocratiques alliées (ADF) et d’autres milices locales. Cette crise sécuritaire a des répercussions régionales, avec des accusations d’ingérence portées contre le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi. Kinshasa, de son côté, reproche à l’EAC une partialité dans la gestion du conflit, alimentant un climat de méfiance.
SADC vs EAC : deux visions, deux missions
La SADC et l’EAC incarnent deux approches radicalement différentes pour résoudre la crise congolaise.
La SADC, dominée par l’Afrique du Sud et la Tanzanie, a déployé en décembre 2023 la mission SAMIDRC, une force militaire offensive composée de troupes sud-africaines, malawiennes et tanzaniennes. Son objectif : neutraliser les groupes armés par la force.
L’EAC, pilotée par le Kenya, le Rwanda et l’Ouganda, avait lancé en 2022 la mission EACRF, privilégiant une approche de désescalade et de dialogue. Cependant, la RDC a refusé de renouveler son mandat en 2024, jugeant son efficacité insuffisante.
Cette divergence reflète une concurrence géopolitique plus large. La SADC cherche à affirmer son leadership en Afrique australe, tandis que l’EAC voit la RDC, membre depuis 2022, comme un pivot économique et sécuritaire.
Mais la méfiance de Kinshasa envers Kigali et Kampala, accusés de soutenir des rebelles, complique la donne.
Le sommet de Tanzanie du 08/02/2025: dernier espoir de médiation ?
Le sommet SADC-EAC, prévu ce week-end en Tanzanie, représente une tentative de désamorcer les tensions. La Tanzanie, membre des deux blocs, joue un rôle de médiateur clé. Les enjeux sont de taille: clarifier les mandats des missions SAMIDRC et EACRF, répondre aux accusations de la RDC contre le Rwanda et l’Ouganda, et trouver un équilibre entre approches militaire et diplomatique.
Cependant, les défis sont immenses. La RDC a officiellement sollicité la SADC, marginalisant l’EAC, ce qui alimente les rivalités sous-régionales. Le Rwanda, non membre de la SADC, craint une marginalisation de son rôle, tandis que l’Ouganda mène des opérations militaires parallèles en RDC contre les ADF.
Tshisekedi et l’internationalisation du conflit : une stratégie risquée
Le président congolais Félix Tshisekedi est au centre des critiques. Accusé d’avoir internationalisé le conflit en sollicitant des acteurs externes comme la SADC, les États-Unis et l’Union européenne, sa stratégie rappelle le Dialogue Intercongolais des années 2000, où la communauté internationale avait imposé une solution face au risque de fragmentation la souveraineté congolaise.
Ses détracteurs dénoncent une dépendance accrue envers les forces étrangères et un risque de fragmentation de l’autorité de l’État. Tshisekedi, quant à lui, justifie son recours à la SADC par l’urgence sécuritaire et l’échec de l’EAC à neutraliser le M23. Il affirme que, contrairement à 2002, la RDC conserve un rôle décisionnel dans les opérations.
Les acteurs régionaux et internationaux: des intérêts divergents
Le conflit en RDC est un miroir des rivalités régionales et internationales.
L’Afrique du Sud, fer de lance de la SADC, soutient fermement Kinshasa pour renforcer son leadership et protéger ses investissements miniers.
Le Rwanda, accusé de soutenir le M23, cherche à contrôler les ressources frontalières et à affaiblir les rebelles hutus basés en RDC.
Les États-Unis et la France soutiennent la RDC tout en exerçant des pressions sur Kigali, tandis que la Chine et la Russie exploitent la situation pour étendre leur influence économique et stratégique.
Scénarios possibles: entre coordination et escalade
Le sommet SADC-EAC pourrait déboucher sur deux scénarios principaux :
une coordination renforcée: fusion ou harmonisation des missions, avec un partage des tâches (SADC sur le militaire, EAC sur le dialogue politique).
Un échec et une escalade: la rivalité entre les deux blocs pourrait se traduire par des conflits d’intérêts sur le terrain, exacerbant les tensions régionales.
Pour la RDC, les enjeux sont colossaux. Un succès du sommet légitimerait la stratégie de Tshisekedi, tandis qu’un échec pourrait l’isoler davantage sur la scène régionale.
Conclusion : éviter un nouveau « Grand Jeu » africain
Le conflit en RDC est bien plus qu’une crise locale: c’est un champ de bataille où s’affrontent des intérêts géopolitiques, économiques et sécuritaires complexes. Pour éviter un enlisement, une feuille de route commune SADC-EAC, sous l’égide de l’Union africaine, est indispensable. Elle devra inclure un cessez-le-feu immédiat, un retrait vérifiable du M23, et une implication transparente du Rwanda et de l’Ouganda.
Sans cela, la RDC risque de devenir le théâtre d’un nouveau « Grand Jeu » africain, où ses ressources et sa position stratégique attiseront les convoitises, au détriment de sa population et de la stabilité régionale.
Si la SADC et l’EAC échouent, la RDC deviendra le tombeau des illusions panafricaines. L’heure n’est plus aux discours, mais à l’action. La communauté internationale regarde – l’Afrique doit prouver qu’elle peut résoudre ses crises sans être un champ de bataille pour « proxies « et mercenaires.
Le choix est brutal : l’union ou le chaos !
Résistant Congolais