
En République Démocratique du Congo, où les promesses budgétaires scintillent souvent comme des mirages dans le désert financier, les annonces tonitruantes de la Première Ministre Judith Suminwa sur une réduction de 30 % du train de vie des institutions masquent une réalité bien plus sombre : une telle diminution non budgétisée des ressources au sein des ministères n’est tout simplement pas légalement possible sans un ajustement formel du budget national. Loin d’être une mesure anodine ou administrative, cette approche frôle l’illégalité, car elle ouvre la porte à des réallocations entre ministères qui violent flagramment la Loi de Finances pour l’exercice 2024-2025, ainsi que les principes fondamentaux de la Loi Organique relative aux Finances Publiques (LOFIP) de 2011.
Imaginez le scénario : en août 2025, lors d’une conférence au Japon, Suminwa affirme avec assurance au micro de radio Top Congo que « la réduction du train de vie, nous l’avons déjà engagée », précisant que cette coupe de 30 % concerne, selon elle, tous les ministères via les frais des membres de l’exécutif, du gouvernement et même du Chef de l’État. Elle évoque des économies concrètes – pas de nouveaux véhicules, suspension des missions non essentielles, gel des augmentations salariales hors armée et police. Ces coupes, présentées comme un sacrifice collectif, viseraient à réorienter des fonds vers la sécurité, au milieu d’une guerre dévastatrice à l’Est.
Mais derrière cette rhétorique percutante se cache un piège juridique.
La LOFIP, dans ses articles clés comme le 51 et le 38, stipule que les crédits budgétaires sont limitatifs et ne peuvent être réalloués de manière substantielle sans autorisation parlementaire.
Des virements internes mineurs au sein d’un même ministère ? Acceptables par arrêté du Ministre du Budget.
Mais transférer des économies d’un ministère vers l’armée ou un autre secteur ?
C’est une violation directe, car cela altère l’équilibre voté par le Parlement sans passer par une loi de finances rectificative, comme l’exige l’article 77 de la LOFIP en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles.
Et les faits parlent d’eux-mêmes.
En 2025, face à l’escalade des dépenses militaires – plus d’un milliard de dollars en quatre mois pour contrer le M23 – le gouvernement n’a pas osé contourner la loi : il a opté pour une rectificative adoptée en juin, réduisant le budget global de 1,7 % (de 51 553,5 à 50 691,8 milliards de FC) pour réallouer vers la sécurité et les urgences. Cette procédure, promulguée par le Président Tshisekedi, démontre que des réallocations majeures ne peuvent se faire en catimini.
Pourtant, les critiques fusent : des observateurs comme l’ODEP ou l’UNIS dénoncent un « manque de réelle volonté politique », qualifiant ces annonces de « mirage » car les budgets rectificatifs n’ont pas traduit ces coupes en économies vérifiables, laissant planer le doute sur des pratiques opaques qui accumulent arriérés et minent la crédibilité.
Au final, cette illusion d’austérité sans ajustement budgétaire n’est pas seulement inefficace – avec des taux d’exécution à peine à 38,6 % en 2024, reflétant une sous-exécution chronique plutôt que des économies structurées – elle est potentiellement illégale, exposant le pays à des audits de la Cour des Comptes, des sanctions et une érosion accrue de la gouvernance.
En RDC, où plus de 70 % du budget nourrit le fonctionnement des institutions, ignorer la loi pour des réallocations fantômes n’est pas une solution audacieuse : c’est une recette pour le chaos financier.
Pour une véritable réforme, il faut plus qu’un discours percutant ; il faut respecter le cadre légal, sous peine de transformer les promesses en violations flagrantes de la loi financière.