KABILA DEPOUILLE DE SON IMMUNITE : LA FIN D’UN INTOUCHABLE AU CONGO ?

DU MYTHE AU MORTEL

Le Sénat de la la République Démocratique du Congo a voté à une écrasante majorité, le 22 mai 2025, pour lever l’immunité sénatoriale de l’ancien président Joseph Kabila. Avec 88 voix pour et seulement 5 contre, cette décision historique ouvre la voie à des poursuites pour des chefs d’accusation aussi lourds que spectaculaires :

trahison, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et participation à un mouvement insurrectionnel.

Au cœur de ce dossier brûlant, une accusation explosive : sa collusion avec les rebelles du M23, responsables d’atrocités sans nom dans l’est du pays.

Kabila, l’homme fort qui a régné pendant près de deux décennies, est-il enfin rattrapé par son passé ? Une chose est sûre : le Congo retient son souffle.

Un Règne Marqué par le Sang et la Corruption

Quand Joseph Kabila hérite du pouvoir en 2001, à la suite de l’assassinat de son père Laurent-Désiré, il n’a que 29 ans. Il prend les rênes d’un pays déchiré par une guerre civile brutale et riche d’un sous-sol qui attise toutes les convoitises. Pendant 18 ans, il gouverne avec une main de fer, laissant derrière lui un héritage aussi sombre que controversé.

Son mandat ? Une litanie d’abus. Des opposants emprisonnés ( plus de 700 prisonniers politiques dont les emblématiques Diomi Ndongala, Diongo, Muyambo, Kuthino, Christopher Ngoy, Ewanga, Kikunda, Yangambi, Mulumba, Nzagi….) ou assassinés, comme les défenseurs des droits humains Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, tués en 2010 dans des circonstances troublantes pointant vers l’État. Des élections truquées, notamment celles de 2006 et 2011, entachées de fraudes massives pour le maintenir au pouvoir. Des massacres perpétrés sous son nez dans l’est, où des milices ont semé la terreur sans que son armée n’intervienne vraiment—quand elle n’y participait pas elle-même. Une fausse défaite militaire, en 2013, alors que le M23 se retire, avec armes, bagages et tous ses hommes, en Ouganda et au Rwanda, prêt à reprendre du service, le moment venu….

Et une corruption endémique : selon des enquêtes internationales, des milliards de dollars tirés des minerais—coltan, or, cobalt—ont disparu dans les poches d’une élite dont il était le parrain.

Mais c’est dans l’est du Congo, ce volcan de violences, que les accusations les plus graves prennent racine. Le M23, un groupe rebelle apparu en 2012 et revenu en force en 2025, est au centre du scandale. Massacres de civils, viols systématiques, pillages : leurs exactions ont jeté des millions de personnes sur les routes. Et Kabila, selon ses accusateurs, n’aurait pas seulement fermé les yeux. Il aurait soutenu ces criminels, peut-être pour garder un contrôle stratégique sur la région, peut-être pour s’enrichir dans le chaos. « S’il est prouvé qu’il a pactisé avec le M23, c’est une trahison pure et simple du peuple congolais », lâche Ithiel Batumike, analyste politique à Kinshasa.

UNE JUSTICE EN TERRAIN MINE

Sans son bouclier d’immunité, Kabila risque un procès devant un tribunal militaire—aussi ironique que cela puisse paraître pour un civil, mais justifié par la gravité et le caractère des charges. Problème : personne ne sait où il est. Depuis 2023, il vit à l’étranger, un fantôme insaisissable. « Aujourd’hui à Dubaï, demain à Harare », souffle une source des services de renseignement congolais. L’extrader ? Plus facile à dire qu’à faire, surtout si des pays ferment les yeux, surtout vu l’énormité de son « butin de guerre » mis de côté en 18 ans de règne…

« Tshisekedi veut un trophée, mais un fiasco judiciaire pourrait mettre le feu aux poudres », prévient Leon Mpadi, stratège politique. Car Kabila a encore des amis.

Le timing, lui, sent la politique à plein nez. Avec une économie en lambeaux et une guerre qui fait rage à l’est, Tshisekedi joue gros avant les élections de 2028. Écraser Kabila, c’est marquer des points contre un rival potentiel et détourner l’attention de ses propres échecs. Mais pour d’autres, comme le défenseur des droits de l’homme Amédée, c’est une nécessité : « Cet homme a du sang sur les mains. Ne pas le juger, c’est enterrer notre constitution. »

LES OUBLIES DE L’EST : QUAND LA POLITIQUE ÉCRASE L’HUMAIN

Pendant que Kinshasa s’agite, l’est du Congo saigne. Depuis janvier 2025, le conflit a tué plus de 3 000 personnes et déplacé 7 millions d’autres, selon les ONG. Le M23, malgré un cessez-le-feu, continue ses ravages au Nord et au Sud-Kivu, dopé par un soutien rwandais que Kigali nie, sans convaincre personne.

Les minerais qui financent cette guerre—et remplissent les poches des puissants—sont une malédiction. Les voisins, Rwanda et Ouganda en tête, jettent de l’huile sur le feu. « C’est un échiquier géant, et Kabila n’est qu’une pièce », glisse un diplomate occidental.

VERS UN JUGEMENT OU UN CHAOS ?

L’équipe juridique de Kabila crie au complot, dénonçant des charges « fabriquées ». Lui, muré dans le silence legendaire, pourrait négocier une sortie : l’exil contre des révélations sur d’autres gros poissons. Un procès par contumace est aussi sur la table et l’hypothèse la plus probable.

Pour le Congo, c’est un pari. Punir Kabila pourrait briser le cycle de l’impunité, inspirer une nouvelle ère de responsabilité. Tshisekedi, lui, jongle entre la gloire d’un Kabila jugé et le spectre d’un procès mal organisé qui galvaniserait l’opposition.

Quoi qu’il arrive, le passé de Kabila—ses crimes, ses silences—hante toujours la RDC.

Les cadavres de dissidents, les villages brûlés, les richesses pillées : tout cela pèse dans la balance.

Justice ou vengeance, le verdict dira si le Congo peut panser ses plaies ou si, une fois encore, il sombrera dans ses vieux démons.

C’est qui est sur, c’est que une page importante de l’histoire de la RDCongo vient d’être écrite, aujourd’hui, avec l’ouverture de la route vers la mise en accusation de l’ancien président, le froid, le taiseux et insaisissable parrain Joseph Kabila, alias Hyppolite Kanambe Kazemberembe, dont le rêve de revenir aux affaires vient de subir un coup, probablement fatal.

Résistant Congolais

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