
DEVOIR DE MEMOIRE
Dans les méandres du pouvoir en République Démocratique du Congo, le régime de Joseph Kabila, qui a régné de 2001 à 2019, imposa une chape de plomb sur la nation.
Sous son autorité, la liberté était un luxe rare, et la dissidence, un crime impardonnable et l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques la règle.
Les opposants politiques, les militants et les journalistes qui osaient défier le régime se retrouvaient invariablement derrière les barreaux, victimes d’un système où l’emprisonnement était une arme de répression brutale.
Des centaines de prisonniers politiques croupissaient dans des cellules, accusés de menaces contre la sécurité nationale d’insurrection ou n’importe quel chef d’accusation fabriqué pour étouffer toute velléité de résistance.
Le message était clair : sous Kabila, contester l’ordre établi équivalait à signer son propre arrêt de détention.
Puis vint Félix Tshisekedi. Dès mars 2019, à peine deux mois après son investiture, il frappe un grand coup : un décret présidentiel ordonne la libération d’environ 700 prisonniers politiques, un lourd vestige de l’ère Kabila.
Ce ne fut pas un simple acte administratif, mais un symbole puissant, une tentative de tourner la page d’années de silence forcé.
Parmi les bénéficiaires, des figures emblématiques comme Firmin Yangambi, avocat et militant condamné à 20 ans en 2009 pour des accusations douteuses de menace à la sécurité nationale, ou encore l’opposant Eugène Diomi Ndongala, son emprisonnement reflétait les méthodes utilisées par le régime de Kabila pour museler l’opposition avec des crimes fabriqués de toute pièce ; sa victoire au Comité des droits de l’homme des Nations Unies face au régime Kabila fut un précédent historique sans précédents pour la RDC. Le jugement de l’ONU mit en évidence les violations systématiques des droits de l’homme sous ce régime.
Franck Diongo, opposant emprisonné cinq ans pour avoir soi-disant séquestré des soldats lors de manifestations en 2016, ou encore Jean Claude Muyambo, Eric Kikunda ou Christopher Ngoy.
Ces noms ne sont pas anodins : ils incarnent la lutte d’un peuple bâillonné par Kabila et ses complices et ils ne doivent pas être oubliés.
Un geste calculé, une promesse à tenir
Comme le soulignait Al Jazeera à l’époque, “ce geste – la libération de 700 prisonniers politiques – a été perçu comme une volonté de réconciliation et un rejet des pratiques liberticides du régime de Kabila”. C’était une bouffée d’air dans un pays où la parole libre était depuis trop longtemps une denrée rare.
Mais cette éclaircie ne saurait masquer les ombres persistantes. Si la libération des 700 prisonniers fut bien saluée, elle ne modifia pas tout. Des rapports d’Amnesty International pointent du doigt encore des entorses aux droits humains sous Tshisekedi.
Une lueur dans l’obscurité
Sous Kabila, la RDC était un pays où la peur dictait la vie des congolais. La libération de 700 prisonniers politiques n’effaça pas les années de répression, mais elle rappela une vérité essentielle :
même dans les régimes les plus étouffants, le vent du changement peut se lever. Reste à savoir s’il soufflera assez fort pour balayer les vestiges d’un ordre ancien : quelques fois arrive que les bourreaux de hier se retrouvent, aujourd’hui, sur le banc des accusés.
C’est un devoir de mémoire de le rappeler, pour ne pas devenir amnésiques et transformer le bourreaux du passé en saints qui se cachent mal dans les habits trop étroits de nouveaux « opposants pacifiques« .
Les congolais ne sont pas amnésiques!