
Dans l’arène politique tumultueuse de la République Démocratique du Congo, une onde de choc secoue l’actualité. Joseph Kabila, président de 2001 à 2019 et désormais sénateur à vie, voit son destin vaciller sous le poids d’accusations explosives portées par la justice militaire.
Haute trahison, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, et liens présumés avec une insurrection : les charges, si elles se concrétisent, pourraient envoyer l’ancien chef d’État derrière les barreaux pour le reste de ses jours.
Le 30 avril 2025, le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a confirmé une démarche inédite : une demande officielle de levée de l’immunité parlementaire de Kabila a été déposée au Sénat. À Kinshasa, les regards convergent vers ce duel entre justice et politique, dans un pays où les luttes de pouvoir n’épargnent personne.
UN PRIVILEGE CONSTITUTIONNEL MIS A L’EPREUVE
Le statut de Kabila est un héritage de la Constitution de 2005, amendée en 2011. Selon l’Article 104, tout ancien président élu devient sénateur à vie, un titre qui lui octroie, via l’Article 107, une immunité parlementaire. Cette protection n’est toutefois pas un rempart infranchissable : elle couvre les actes liés à ses fonctions législatives, mais pas les crimes commis avant ou en dehors de ce cadre. La justice militaire soutient que les accusations – notamment une collaboration présumée avec le mouvement rebelle M23 et son bras politique, l’Alliance Fleuve Congo (AFC) – relèvent d’activités extérieures à son rôle de sénateur. Si le Sénat, aujourd’hui largement acquis à Félix Tshisekedi, approuve la levée de cette immunité, Kabila perdrait son bouclier légal, ouvrant la porte à un procès historique.
DES ACCUSATIONS QUI FRAPPENT FORT
Les griefs contre Kabila ne manquent pas de gravité. Le gouvernement l’accuse d’avoir soutenu l’AFC et le M23, un groupe armé opérant dans l’est du pays avec le soutien avéré du Rwanda. Cette alliance, selon les autorités, visait à déstabiliser l’État congolais, un acte qualifiable de haute trahison. À cela s’ajoutent des soupçons de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, liés à des massacres de civils et de soldats dans les zones de conflit. Bien que les preuves restent à préciser – un point que la justice militaire promet d’éclaircir –, Constant Mutamba, Ministre de la Justice de la RDC, a martelé, lors d’une conférence de presse le 30 avril 2025, que le dossier est assez solide pour justifier cette procédure.
UNE BATAILLE JURIDIQUE ET POLITIQUE
La levée d’immunité n’est que le premier obstacle d’un parcours semé d’embûches. L’Article 107 exige que le Sénat vote cette mesure, sauf en cas de flagrant délit – une exception qui ne s’applique pas ici. Si la majorité pro-Tshisekedi incline vers un feu vert, l’influence de Kabila, encore palpable dans les cercles politiques et militaires, pourrait compliquer les choses.
En cas de succès, les tribunaux militaires prendraient le relais
Un climat de règlement de comptes
L’affaire s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre Kabila et son successeur, Félix Tshisekedi. Depuis des mois, le pouvoir resserre l’étau: le 19 avril 2025, des poursuites ont été lancées contre Kabila et ses proches au sein du PPRD, son parti, désormais suspendu et dépouillé de ses avoirs. Ses biens, en RDC comme à l’étranger, sont visés par des saisies, et ses collaborateurs subissent des restrictions de mouvement. Pour Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, ces mesures visent à juguler une menace sécuritaire. Les partisans de Kabila, eux, crient à la persécution, dénonçant une chasse aux sorcières orchestrée pour détourner l’attention de l’insécurité persistante dans l’est.
UN PASSE QUI RATTRAPE
Ce n’est pas la première fois que Kabila frôle la justice. En 2021, l’enquête « Congo Hold-up » avait révélé un détournement présumé de 138 millions de dollars de fonds publics sous son régime. Si cette affaire n’avait pas abouti, elle avait déjà exposé la vulnérabilité de son statut. Aujourd’hui, les accusations sont bien plus graves.
Une condamnation marquerait un précédent retentissant, affirmant que même les puissants ne sont pas intouchables en RDC.
L’attente d’un peuple épuisé
Alors que le Sénat se prépare à trancher, l’avenir de Kabila est en suspens. Dans les rues de Kinshasa, la population, lasse des conflits et des promesses creuses, suit cette saga avec un mélange d’espoir et de scepticisme. Ce bras de fer dépasse le sort d’un homme : il incarne les fractures d’un pays où justice et politique s’entremêlent depuis trop longtemps.
L’issue de ce procès pourrait non seulement redéfinir les responsabilités des anciens présidents, mais aussi influencer durablement la gouvernance future de la RDC. Alors que le verdict du Sénat sur la levée des immunités est attendu, une question cruciale persiste :