
En République Démocratique du Congo, un pays saigné par des années de violence, le gouvernement de Félix Tshisekedi a dégainé un nouveau terme : le « génocost ». Une fusion audacieuse de « génocide » et « coût », censée encapsuler les massacres, pillages et exactions liés à l’exploitation des richesses naturelles. L’intention est claire : braquer les projecteurs sur une horreur alimentée par l’appât du gain.
Mais ce néologisme, loin de frapper les esprits, sème le trouble et dilue la puissance d’un cri qui devrait résonner à travers le monde.
Une étiquette qui manque de tranchant
Le « génocost » veut tout dire à la fois : les tueries coloniales, les guerres pour le coltan, les villages rasés au nom du profit. Mais en cherchant à tout englober, il ne nomme rien avec précision. Pourquoi contourner le mot « génocide », gravé dans les consciences et le droit international ?
« Le terme génocide est un électrochoc, une alarme universelle », tranche Marie Dupont, avocate spécialisée dans les crimes de guerre. « ‘Génocost’ brouille les pistes et émousse l’urgence. » À vouloir innover, le gouvernement congolais risque de transformer un appel à l’aide en un murmure confus.
Un calcul risqué
Derrière ce choix lexical, une ombre plane : et si « génocost » était une esquive ? Qualifier les atrocités de génocide, c’est déclencher des obligations internationales, celles de la « Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, de 1948 », qui exige prévention et punition.
(https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-prevention-and-punishment-crime-de 1948, qui exige prévention et punition.
« Génocost », lui, n’engage personne. Pas de définition juridique, pas de levier pour forcer l’action. « On dirait une tentative de minimiser la gravité ou d’éviter de pointer les coupables », note un observateur onusien sous couvert d’anonymat. Une stratégie qui pourrait coûter cher à la crédibilité de Kinshasa sur la scène mondiale.
L’Est en feu, les promesses en fumée
Pendant que les mots valsent, l’Est de la RDC brûle. Et à l’ouest non plus, les violations des droits de l’homme ne sont pas rares…
Milices incontrôlées, civils massacrés, chaos endémique : la réalité est implacable. La Constitution charge Félix Tshisekedi de protéger son peuple, pas seulement de dénoncer ses bourreaux. Pourtant, les annonces ronflantes – fonds de réparation comme le Fonarev, lois pour écarter les criminels du pouvoir – s’enlisent dans la corruption et l’inaction. « On nous parle de justice, mais où sont les résultats ?« , s’indigne une rescapée de Beni. Les discours symboliques ne pansent pas les plaies d’un peuple abandonné.
Des chiffres qui interrogent
Pour appuyer son récit, le gouvernement avance un bilan vertigineux : 12 millions de morts liées aux conflits. Un chiffre choc, mais bancal. Les estimations indépendantes, comme celles du Comité international de secours (International Rescue Commette), parlent de 5,4 millions de victimes entre 1998 et 2007. D’où vient cet écart ? Exagération pour dramatiser ou erreur grossière ? Dans les deux cas, cette inflation fragilise un propos qui n’a pas besoin d’artifice pour glacer le sang.
Une table ronde pour masquer l’inaction ?
Face aux critiques, Tshisekedi a convoqué ce 31/03/2025 à Kinshasa, une Table Ronde sur l’appropriation du Génocost, promettant un groupe d’experts pour évaluer les préjudices. Une lueur d’espoir ? Peut-être. Mais pour l’heure, ce n’est qu’une esquisse, un écran de fumée face à l’urgence.
Les victimes attendent des actes, pas des colloques.
Un cri étouffé par les mots
Le « génocost » est un faux pas, une tentative maladroite de réinventer une douleur qui n’a pas besoin de nouveaux habits. Le mot « génocide », brut, direct, aurait porté la tragédie congolaise avec la force qu’elle mérite, mobilisant les consciences et les Nations unies. « Génocost », lui, flotte dans un vide sémantique, loin de rendre justice à des millions de vies brisées.
Dans un pays où la souffrance hurle, partout et chaque jour, la vérité mérite un langage clair, sans détour.