
Trop de Chaises pour une Paix qui Vacille
En République Démocratique du Congo, la paix ressemble à un puzzle aux pièces éparpillées.
Processus de Luanda, Nairobi, efforts conjoints SADC-EAC, réunion au Qatar, sommet à Kampala : les initiatives pour mettre fin à des années de conflit dans l’est du pays se multiplient à un rythme effréné.
Mais cette profusion, censée couvrir tous les fronts – des tensions avec le Rwanda aux groupes armés comme le M23/AFC –, menace de disperser les énergies. Alors que des mécanismes de coordination tentent de ramener de l’ordre, une question persiste : cette cacophonie diplomatique peut-elle vraiment accoucher d’une paix durable ? Les congolais deviennent de plus en plus sceptiques face à ce tourbillon de négociations stériles.
Une guerre, plusieurs fronts, trop de tables de négociation
Le conflit en RDC n’a rien de simple. À l’est, près de 7 millions de déplacés fuient les violences, tandis que les relations tendues avec le Rwanda, le rôle trouble de l’Ouganda et la prolifération de groupes armés alimentent une crise sans fin. Face à cela, les processus de paix se sont empilés comme des dossiers sur un bureau surchargé. Le Processus de Luanda, lancé en 2022 sous l’égide du président angolais João Lourenço, cible les relations entre Kinshasa et Kigali. Un cessez-le-feu signé en juillet 2024 ? Éphémère, brisé par des différends qui ont torpillé un sommet en décembre.
Pendant ce temps, le Processus de Nairobi, porté par la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) et l’ex-président kényan Uhuru Kenyatta, s’attaque aux groupes armés. Résultat ? Une force régionale déployée (EAC), puis retirée, à la demande de Kinshasa, en décembre 2023, car jugée inefficace par Tshisekedi.
Et ce n’est pas tout. En février 2025, un sommet conjoint SADC-EAC à Dar es Salaam a tenté de fusionner Luanda et Nairobi pour éviter les doublons. Malgré cela, à Luanda il y a eu encore des tentatives infructueuses de négociation, alors que le processus de Luanda était jugé fusionné par celui de la SADC-EAC !
Bref, un vrai capharnaüm diplomatique!
À cela s’ajoutent des initiatives inattendues : une réunion au Qatar en mars 2025, où Félix Tshisekedi et Paul Kagame se sont rencontré et ils ont réaffirmé une vague et contradictoire volonté d’accepter un cessez-le-feu sous les auspices de l’émir, franchement une volonté non finalisée et, enfin, un sommet à Kampala, appelant à reprendre les discussions directes avec le M23/AFC.
Chaque table a son propre agenda, ses propres acteurs, et ses propres promesses. Mais à force de multiplier les chaises, ne risque-t-on pas de vider la salle ?
Le spectre de la dispersion
Cette abondance d’efforts soulève une alarme : et si les ressources – humaines, financières, politiques – s’éparpillaient au point de diluer tout impact ?
À Luanda, on parlait de géopolitique régionale ; à Nairobi, on traquait les milices. Le Qatar, lui, offre une scène bilatérale, tandis que Kampala mise sur un dialogue africain.
« Trop de cuisiniers gâchent la sauce », dit l’adage, et ici, le risque est réel. Les chevauchements sont flagrants : un cessez-le-feu signé à Luanda peut être ignoré par les groupes armés visés à Nairobi. Pire, la population locale, perdue dans ce labyrinthe diplomatique, pourrait finir par douter de la crédibilité de ces initiatives.
Les critiques fusent. Luanda ? Un beau cadre, mais des accords qui restent lettre morte – la prise de Goma et Bukavu par le M23/AFC en janvier et février 2025 en sont la preuve cinglante. Processus de Nairobi ? Une force régionale (l’EAC) minée par la présence controversée du Rwanda, que Kinshasa rejette en bloc. Quant au Qatar, son intervention surprise, bien que saluée, flotte en périphérie des efforts régionaux et elle ne dispose d’aucune structure ni d’observation, sur le terrain, ni de formalisation d’un éventuel cessez-le-feu. Improvisation ou complémentarité ? Le débat fait rage.
Une lueur de coordination dans le chaos
Pourtant, tout n’est pas perdu. Des garde-fous existent pour éviter que cette mosaïque ne devienne un casse-tête insoluble. En février 2025, le sommet SADC-EAC a poussé l’idée plus loin, proposant un mécanisme quadripartite pour superviser les cessez-le-feu. Une volonté claire : unifier les approches, fusionner les énergies et surtout, donner une feuille de route au processus de paix.
Le défi de la crédibilité
Mais coordonner ne suffit pas. Ces processus doivent convaincre – et être appliqués!
Les échecs passés hantent les esprits : des cessez-le-feu violés, des sommets annulés, une force régionale qui plie bagage alors que la situation sur terrain ne fait que s’aggraver. « Un héritage d’accords non respectés menace des millions de Congolais », déplore un analyste. Pour que la paix prenne racine, il faudra plus que des signatures sur du papier.
Certains observateurs pointent un doigt accusateur contre la tristement célèbre « diplomatie du tâtonnement » de Tshisekedi, qui semble être à la base du tourbillon d’initiatives infructueuses qui se superposent et se neutralisent !
Vers une paix durable ?
En mars 2025, la RDC se trouve à un carrefour. Des nouvelles grandes villes de la RDCongo sont menacées par l’avancée rebelle.
Avec des mécanismes comme le Cadre et le sommet SADC-EAC, l’espoir d’une approche cohérente reste vif. Mais le chemin est semé d’embûches – manque d’application, controverses, méfiance. Pour que cette mosaïque devienne un tableau harmonieux, il faudra de la discipline et une volonté inflexible, alors que le temps commence à manquer…
La paix, en RDC, n’a jamais été aussi inextricable.