Dans un climat déjà saturé de tensions, une nouvelle déclaration venue de Kampala fait l’effet d’une déflagration : le chef de l’armée ougandaise menace d’arrêter le gouverneur de l’Ituri et évoque une possible prise de Kisangani, en République démocratique du Congo (RDC). Une escalade verbale qui ravive les pires craintes dans une région où les mots ont trop souvent précédé les balles.

Kisangani et l’Ituri, cibles d’une rhétorique guerrière
Kisangani, ville meurtrie de l’est de la RDC, n’est pas étrangère aux bruits de bottes. En 2000, la « guerre des six jours » avait transformé ses rues en champ de bataille, opposant les armées ougandaise et rwandaise dans un conflit fratricide qui avait laissé des cicatrices profondes. Aujourd’hui, alors que le M23/AFC, groupe rebelle soutenu par Kigali, poursuit son offensive dans le Nord-Kivu, une nouvelle ombre plane. L’Ouganda, voisin aux relations ambiguës avec la RDC, revient sur le devant de la scène avec une menace qui ravive les pires souvenirs.
Le 23 mars 2025, Muhoozi Kainerugaba, chef des forces armées ougandaises et fils du président Yoweri Museveni, a jeté de l’huile sur le feu. Selon des sources relayées par les médias congolais, il a menacé d’arrêter le gouverneur de l’Ituri, province frontalière stratégique, tout en évoquant une possible prise militaire de Kisangani.
Le gouverneur militaire de la province de l’Ituri, le général Johnny Luboya Nkashama, est la cible de menaces publiques et directes émises ces deux derniers jours par le général Muhoozi Kainerugaba, chef des Forces de défense du peuple ougandais (UPDF).
Dans une série de messages publiés sur son compte Twitter, le général Muhoozi a qualifié le gouverneur de l’Ituri de « très stupide», l’accusant de s’opposer depuis le début aux opérations de l’UPDF en République démocratique du Congo. « Nous allons l’arrêter très bientôt», a-t-il écrit.
« Nos troupes ou le M23 pourraient être à Kisangani d’ici une semaine, et nous n’hésiterons pas à arrêter ceux qui nous provoquent, y compris le gouverneur de l’Ituri », a-t-il déclaré.
Une bombe verbale lâchée sans détails, mais lourde de sous-entendus. Que reproche-t-il exactement à la RDC ? Quelles « provocations » justifieraient une telle offensive ? Le mystère reste entier, mais les mots de cet homme, connu pour ses sorties incendiaires et son influence croissante, ne passent pas inaperçus.
Une menace qui vise l’Ituri, province sous tension
L’Ituri, frontalière de l’Ouganda, est une poudrière où milices locales, groupes armés et intérêts étrangers se disputent le contrôle des richesses minières. La menace explicite d’arrestation du gouverneur, figure clé de l’autorité provinciale, est perçue comme une ingérence directe dans les affaires intérieures de la RDC. « C’est une atteinte à notre souveraineté, une provocation inacceptable », a réagi un haut responsable congolais sous couvert d’anonymat. À Bunia, chef-lieu de l’Ituri, la population, déjà éprouvée par des années de conflit, craint une nouvelle spirale de violence.
Kisangani, un symbole dans le viseur
À Kisangani, l’évocation d’une occupation militaire résonne comme un écho douloureux du passé. « On a déjà trop souffert, murmure un habitant, les yeux rivés sur un horizon incertain. Si les Ougandais reviennent, ce sera la fin. » Les rumeurs d’une présence du M23/AFC aux abords de la ville, bien que démenties officiellement, ne font qu’amplifier la peur. Militairement, prendre Kisangani, située à des centaines de kilomètres de la frontière ougandaise, serait un défi colossal. Une logistique massive, des routes impraticables et une coordination sans faille seraient nécessaires pour une telle opération. Politiquement, l’Ouganda s’exposerait à une guerre ouverte avec la RDC et à une condamnation internationale. Muhoozi Kainerugaba, souvent qualifié de faucon, joue-t-il une carte interne, cherchant à asseoir son aura de leader ? Ou s’agit-il d’une manœuvre pour tester la résilience congolaise ? Une chose est sûre : dans cette région, la prudence est de mise.
Réactions et incertitudes
À Kisangani et en Ituri, les forces armées se disent prêtes à défendre chaque mètre de terrain. Mais dans les ruelles poussiéreuses de ces provinces, l’angoisse domine. La communauté internationale, déjà préoccupée par l’activité du M23/AFC dans le Nord-Kivu, observe avec inquiétude cette nouvelle escalade. « Nous appelons à la retenue et au dialogue », a déclaré un porte-parole de l’ONU, sans masquer son impuissance face à une situation qui échappe à tout contrôle.
Un avenir incertain
Kisangani et l’Ituri, symboles des plaies ouvertes de la RDC, se retrouvent une fois encore sous les projecteurs d’une crise qu’elles n’ont pas choisie.
Entre bravade et menace concrète, les prochains jours diront si l’Ouganda passe à l’acte ou se contente de faire trembler les murs. Pour l’heure, une vérité s’impose : la paix dans l’est congolais reste un mirage, et les habitants de ces provinces refusent de redevenir les otages d’un conflit qui les dépasse. La RDC, face à cette double menace, qui rappelle les affrontements directs à Kisangani, des forces armées rwandaises et ougandaises, semble, encore une foi, incapable de réagir.
Résistant Congolais