KISANGANI DANS LA LIGNE DE MIRE: LE M23/AFC A L’ASSAUT DE CE VERROU STRATEGIQUE DE LA RDC

Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), le grondement des combats se rapproche dangereusement de Kisangani, la grande ville portuaire du fleuve Congo, poumon économique et carrefour stratégique. Les rebelles du M23, épaulés par l’Alliance Fleuve Congo (AFC), avancent à un rythme alarmant, semant la panique et redessinant les lignes de front. Depuis le début de l’année 2025, leur campagne fulgurante a englouti des villes clés comme Goma et Bukavu. Aujourd’hui, leur objectif semble clair : s’emparer de Kisangani, ville d’origine de Corneille Nangaa, chef politique du M23/AFC, un coup qui pourrait faire vaciller le gouvernement de Kinshasa et plonger la région dans un chaos encore plus profond.

UNE OFFENSIVE METHODIQUE ET IMPLACABLE

Les dernières nouvelles du terrain sont troublantes. Le 20 mars 2025, les insurgés ont pris Walikale, un bastion minier du Nord-Kivu situé à environ 400 kilomètres de Kisangani. Ce n’était qu’un prélude. Dès le lendemain, ils ont poussé leur avantage jusqu’à Mubi, un village à 30 kilomètres à l’ouest de Walikale, consolidant leur emprise sur cette zone stratégique. Et maintenant, des rapports font état de la capture de Lola et Osakari et Yangambi Fataki, des localités à quelques encablures seulement de Kisangani. Si ces informations se vérifient, les rebelles seraient aux portes de la ville, prêts à frapper un grand coup.

Leur tactique est limpide : couper les lignes d’approvisionnement, isoler Kisangani et l’asphyxier avant même de lancer un assaut direct. « Ils avancent avec une précision chirurgicale, bien armés et motivés comme jamais », confie un officier des Forces armées de la RDC (FARDC) sous couvert d’anonymat. « À Mubi, nous avons dû battre en retraite pour limiter nos pertes. Leur détermination est redoutable.»

LES FARDC SUR LA CORDE RAIDE

Face à cette vague rebelle, la réponse militaire gouvernementale oscille. Des renforts ont été dépêchés depuis Bunia, en Ituri, mais ils peinent à contenir l’élan adverse. Le 21 mars, des affrontements acharnés ont éclaté à Mubi, où les FARDC tente de tenir une ligne de défense de plus en plus précaire. Dans un geste audacieux, les forces loyalistes ont bombardé plusieurs ponts près de Kisangani pour ralentir l’ennemi, dont le pont Lowa, sur la route Walikale-Kisangani.

Les FARDC ont bombardé le pont Lowa qui est sur la route Walikale-Kisangani

Une mesure radicale, mais risquée. « C’est un pari désespéré », analyse un expert militaire basé à Kinshasa. « Ça peut freiner les rebelles temporairement, mais s’ils trouvent des chemins alternatifs – et ils le feront probablement –, cette stratégie pourrait se transformer en fiasco».

Pire encore, détruire ces infrastructures coupe aussi les routes d’évacuation pour les civils et complique l’acheminement de l’aide humanitaire. La FARDC joue gros, et le temps lui file entre les doigts.

UN ENJEU ECONOMIQUE COLOSSAL

Image

Si les rebelles mettent la main sur Kisangani, les répercussions dépasseront largement le champ de bataille. Déjà, la prise de Walikale leur donne accès à des gisements d’étain, une manne financière pour soutenir leur guerre. La mine de Bisie, exploitée par Alphamin, a été abandonnée en urgence, et les prix de l’étain grimpent en flèche sur les marchés mondiaux. Mais Kisangani, c’est une autre échelle : un hub vital pour le commerce régional, un verrou sur le fleuve Congo. Sa chute perturberait les chaînes d’approvisionnement dans toute la région des Grands Lacs, avec des effets en cascade sur les économies voisines et au-delà.

« Imaginez un domino économique », prévient un analyste de la Banque mondiale. « Les minerais de la RDC alimentent des industries mondiales. Si Kisangani tombe, les prix vont exploser, et les conséquences toucheront des secteurs aussi variés que l’électronique ou l’automobile».

UNE CATASTROPHE HUMANITAIRE EN MARCHE

Sur le terrain, le coût humain est déjà effarant. Des milliers de familles fuient Walikale, Mubi et les villages voisins, convergeant vers Kisangani dans un exode chaotique. Les routes sont saturées, les visages marqués par la peur et l’épuisement. Selon l’ONU, 350 000 personnes ont été déplacées depuis janvier, et ce chiffre pourrait doubler si la ville tombe. « Les infrastructures de Kisangani craquent sous la pression », témoigne un humanitaire sur place. « On manque de tout : nourriture, eau, abris. Si rien ne change, on court vers une épidémie – choléra, typhoïde».

VILLAGE DE YANGAMBI FATAKI AUSSI VIENT DE TOMBER SOUS CONTRÔLE DE L’AFC M23 -ce 22/03/2025

UN TOURNANT DECISIF EN VUE ?

La situation est explosive, et Kisangani pourrait être le détonateur. Les rebelles M23/AFC, galvanisés par leurs succès, jouent une partie serrée mais calculée. Les FARDC, elle, est acculée, contrainte à des choix douloureux qui pourraient lui coûter cher. Derrière ce bras de fer, c’est toute la stabilité de la RDC et de la région qui vacille. Économiquement, humanitairement, militairement, les enjeux sont vertigineux. Une chose est sûre : les prochains jours seront cruciaux et le monde ferait bien de garder les yeux rivés sur Kisangani, où le destin de millions se joue dans l’ombre des combats.

Résistant Congolais

Laisser un commentaire