L’ITURI EN FEU: VIOLENCES, TENSIONS ET CRIS D’ALARME, ALORS QUE L’ARMEE OUGANDAISE SE DEPLOIE

Dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), la province de l’Ituri suffoque sous le poids d’une guerre qui ne dit plus son nom. Depuis longtemps ce coin oublié par le gouvernement congolais est le théâtre d’un chaos sanglant où milices locales et groupes rebelles sèment la terreur. Le dernier grave coup de poignard en date remonte à fin février 2025, avec le massacre de 50 civils dans le camp de Djaiba, une atrocité signée Codeco, une milice communautaire qui fait trembler la région. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg : entre les attaques des Forces démocratiques alliées (ADF), les plus meurtrières selon l’ONU, et l’ombre grandissante de l’armée ougandaise, l’Ituri est au bord du gouffre.

Les combats sont confirmés par l’administrateur policier du territoire de Djugu, qui précise que la situation sécuritaire actuelle de Fataki est très confuse.

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RDC/ITURI/POURSUITE DU DÉPLOIEMENT DE L'ARMÉE OUGANDAISE DANS LE TERRITOIRE DE DJUGU : Ce 19/03/25, des chars & véhicules blindés de l'armée ougandaise (UPDF) ont été aperçus dans la localité de Fataki, située à 80 km de Bunia, capitale provinciale de l'Ituri.

« Il y a eu l’entrée brutale des forces UPDF à Fataki positionnées là-bas (…) Il y a eu échange de tirs entre L’UPDF et les éléments CODECO qui sont mécontents, parce qu’ à leur arrivée, il y a déjà eu des bruits qui faisaient état du fait que des CODECO se positionnaient pour attaquer cette force. La situation, pour le moment, elle est encore très confuse », a révélé le commissaire supérieur principal Ruphin Mapela.

BUNIA, DJUGU, MAHAGI : UN TRIANGLE SOUS TENSION

À Bunia, capitale provinciale, le quotidien est rythmé par le grondement des chars ougandais. Plusieurs tanks et blindés ougandais stationnent près de Burasi, à deux pas de la ville, sous le regard méfiant des habitants. L’UPDF, l’armée ougandaise, a renforcé sa présence depuis février 2025, officiellement pour épauler les FARDC, les forces congolaises, dans leur lutte contre Codeco et les ADF.

Mais ici, on murmure autre chose : “Ils ne sont pas là pour nous sauver, ils veulent nous occuper”, confie un habitant sous couvert d’anonymat. Le chef d’état-major ougandais, fils du président Museveni, fanfaronne sur les réseaux sociaux, affirmant protéger la communauté Hema. Ses tweets, perçus comme provocateurs, jettent de l’huile sur le feu dans une région déjà à cran.

Plus au nord, Djugu est un champ de bataille à ciel ouvert. Codeco y multiplie les assauts, visant civils et soldats congolais, laissant derrière eux des villages en cendres. L’UPDF promet d’y étendre ses opérations, alors que les habitants ne voient que la mort frapper à leur porte. Mahagi, quant à elle, reste dans l’ombre des gros titres. Pourtant, ce territoire voisin n’échappe pas à la spirale d’insécurité qui engloutit l’Ituri. Les violences débordent, et avec elles, la peur d’un conflit sans fin, à l’ombre des chars ougandais.

UNE COLLABORATION CONTROVERSEE

L’alliance entre Kinshasa et Kampala est un pari risqué. Officiellement, les opérations conjointes visent à pacifier la région. Mais sur le terrain, c’est une autre histoire.

Les habitants dénoncent un manque de transparence : “On ne sait pas qui commande vraiment, lâche un leader communautaire à Bunia. Les souvenirs des interventions ougandaises passées, souvent accusées de piller et déstabiliser, hantent les mémoires. La présence de l’UPDF, loin de rassurer, cristallise les tensions. “C’est une occupation déguisée”, accuse un habitant, tandis que les autorités locales congolaises peinent à apaiser les craintes, alors que le gouvernement préfère tout ignorer.

DES EFFORTS FRAGILES FACE A UNE CRISE TITANESQUE

Face à ce chaos, la communauté internationale tente de réagir. La MONUSCO, mission de l’ONU, déploie des centaines de patrouilles – plus de 860 depuis octobre 2024 – pour sécuriser les routes entre Bunia et Djugu dans le cadre de l’opération Secure Harvest. Objectif : protéger les agriculteurs, colonne vertébrale de l’économie locale. Environ 100 000 déplacés trouvent refuge sous la garde des Casques bleus autour de Roe, Drodro et Fataki. Mais ces efforts semblent dérisoires face à l’ampleur du désastre. Selon l’OCHA, la RDC compte 6,4 millions de déplacés, un chiffre qui donne le vertige et place l’Ituri au cœur d’une des pires crises humanitaires au monde.

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#Ituri: les déplacés de guerre de plusieurs coins du territoire de Djugu, fuyant les affrontements entre milices, ne sachant pas à qui se fier, décident d s’installer et d passer nuit à la base de la ⁦@MONUSCO de #Fataki
où ils sont sécurisés, loin d crépitement d balles

UN AVENIR INCERTAIN

L’Ituri est à la croisée des chemins. Les violences, alimentées par des rivalités foncières et ethniques, ne montrent aucun signe d’essoufflement. L’implication de l’Ouganda, bien que stratégique, risque d’envenimer un conflit déjà complexe. “Bombarder les milices ne suffit pas”, prévient un analyste de Crisis Group. “Il faut des solutions sociales, des opportunités pour les jeunes, sinon ce cycle infernal continuera.

Dans les rues de Bunia, sous le regard des blindés ougandais, les habitants oscillent entre résignation et colère. À Djugu, les champs restent en friche, faute de sécurité. À Mahagi, on retient son souffle, redoutant que la tempête ne s’étende. Une chose est sûre : sans une réponse coordonnée et durable, l’Ituri risque de s’enfoncer encore plus profondément dans l’abîme des affrontements ethniques, comme celui des Hema contre le Lendu, toujours sous la braise.

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Ituri : Plus de 100 000 personnes déplacées par les violences armées à Djugu, Irumu et Mambasa

« Des affrontements sont signalés à Djugu, des mouvements de population intensifiés, des pillages enregistrés, des renforts des troupes ougandaises observés mais aucun message du Gouvernement militaire provincial, aucun message du Gouvernement national », le député

@gratieniracan

appelle le gouvernement à communiquer clairement sur ce qui se passe actuellement en Ituri !

Vers 4 heures du matin, du 18/03/2025, un convoi des militaires ougandais a forcé brutalement la barrière de la Direction générale des recettes de la province de l’Ituri (DGRPI) à Fataki, une localité commerciale située à 80 kilomètres de la ville de Bunia.

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   Vue du poste de péage route de la DGRPI à Fataki, Djugu. Février 2024

Cette intrusion agressive a semé la tension dans la région. Certaines sources ont indiqué que des miliciens de la CODECO ont tiré des coups de feu pour exprimer leur opposition à l’entrée des forces ougandaises (UPDF) dans le territoire de Djugu. Cette situation a généré une panique généralisée, entraînant un mouvement de populations à Fataki, Djaiba, Bule, Gbakalu et Djugu-centre.

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                Chars de combat ougandais à Djugu, mars 2025

Sur la route nationale numéro 27 (RN 27), le trafic a été temporairement interrompu. La seul Hôpital de Djugu a fermé ses portes depuis le 15/03/25 à cause des affrontements violents entre armée ougandaise et miliciens de la Codeco.

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Troupes ougandaises de plus en plus présentes en Ituri

Le gouvernement congolais, quant à lui, a bien décidé de de se faire oublier et appliquer la politique de l’autruche pour ne pas se prononcer sur les événements violents des derniers jours à Djugu et Fataki en Ituri et encore moins sur la présence de plus en plus encombrante des troupes ougandaises dans cette province martyre.

Résistant Congolais

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