Minaku et Shadari dans le Viseur de la Justice Militaire : un Dérapage Juridique ? Quand des Civils Politiques se Retrouvent devant des Tribunaux Militaires, la Démocrature Congolaise Tremble

DEUX CONVOCATIONS QUI ETONNENT
Le 6 mars 2025, deux lettres signées par le Colonel NTAMBWE KAPENGA Benjamin, Avocat Général Militaire, ont atterri sur les bureaux d’Aubin Minaku et d’Emmanuel Ramazani Shadari. Objectif : les convoquer devant la justice militaire le 10 mars pour « éclairer la justice ». Minaku, ancien président de l’Assemblée nationale, et Shadari, ex-candidat à la présidence, ne sont ni soldats ni policiers.
Alors, pourquoi des civils de ce calibre, figures emblématiques du PPRD, sont-ils appelés à comparaître devant une juridiction réservée aux uniformes ? Cette affaire, aussi opaque qu’intrigante, relance le débat sur la compétence de la justice militaire en RDC et son utilisation controversée contre des non-militaires.
MINAKU ET SHADARI : DES POLITICIENS DANS L’ŒIL DU CYCLONE
Aubin Minaku, magistrat de formation et poids lourd du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), a dirigé l’Assemblée nationale de 2012 à 2019. Emmanuel Ramazani Shadari, surnommé « le Bulldozer », a été ministre de l’Intérieur et porte-étendard du PPRD et de la plateforme kabiliste FCC lors de la présidentielle de 2018. Ces deux ténors politiques, sans lien apparent avec l’armée, se retrouvent aujourd’hui sous le feu des projecteurs judiciaires. Les lettres d’invitation, avares en détails, ne précisent pas s’ils sont témoins ou suspects. Une enquête sur des interférences dans les affaires militaires ? Une manœuvre politique déguisée ? À Kinshasa, les rumeurs vont bon train, mais une chose est sûre : leur convocation simultanée sent le soufre.
LA JUSTICE MILITAIRE : UNE LIGNE ROUGE POUR LES CIVILS ?
En RDC, la justice militaire a un terrain de jeu bien délimité. Selon l’Article 156 de la Constitution, elle juge les infractions des militaires et des policiers. Point barre. Mais il y a un « mais ». En temps de guerre, d’état de siège ou d’urgence, le Président peut élargir son pouvoir pour englober d’autres crimes, y compris ceux impliquant des civils.
Le Code Judiciaire Militaire (Loi n° 023/2002) ajoute une nuance : les civils peuvent être traînés devant ces tribunaux s’ils sont complices de militaires, mais seulement dans des contextes exceptionnels, comme les zones de conflit.
Dans l’est du pays, où l’état de siège sévit depuis 2021, cette règle a été appliquée à tour de bras. Des civils y ont été jugés pour tout, de la collaboration avec des milices aux petits larcins. Mais Minaku et Shadari ? Ils vivent à Kinshasa, loin des champs de bataille du Nord-Kivu ou de l’Ituri. « Cette convocation est un précédent dangereux« , avertit un juriste congolais sous couvert d’anonymat.
« Si la justice militaire peut s’en prendre à des civils en dehors des zones de crise, où s’arrête sa compétence ? »
UN FLOU QUI INQUIETE : TEMOINS OU CIBLES POLITIQUES ?
Officiellement, Minaku et Shadari sont appelés à « éclairer la justice ». Pas d’accusation formelle, pas de chef d’inculpation. Mais dans un pays où la justice militaire est souvent accusée de servir les intérêts du pouvoir, ce flou alimente les soupçons. S’agit-il d’une enquête légitime ou d’une tentative de museler deux figures de l’opposition ? Le PPRD, parti de l’ex-président Joseph Kabila, reste une force influente, et ses leaders sont régulièrement dans le collimateur des actuelles autorités.
« Quand la justice militaire convoque des civils sans transparence, cela sent la répression politique », tranche un rapport du International Crisis Groups. Les précédents ne manquent pas : en 2022, des militants de l’opposition ont été jugés par des tribunaux militaires dans l’est pour « outrage à l’armée« .
Minaku et Shadari seraient-ils les prochaines cibles d’une stratégie bien rodée?
DROITS HUMAINS EN ALERTE : UNE PRATIQUE SOUS LE FEU DES CRITIQUES
La communauté internationale ne mâche pas ses mots.
« Juger des civils devant des tribunaux militaires est une violation flagrante des normes internationales », martèle Amnesty International. Pourquoi ? Parce que ces juridictions, conçues pour la discipline militaire, manquent souvent d’indépendance et de garanties d’équité. Pas de juges civils, pas d’appel facile, et une proximité troublante avec l’exécutif.
En RDC, les exemples abondent. Dans les provinces sous état de siège, des civils ont été condamnés à mort par des tribunaux militaires, parfois après des procès expéditifs. Human Rights Watch a documenté des cas où des accusés n’avaient ni avocats ni accès aux preuves.
Si Minaku et Shadari ne sont pour l’instant que convoqués, leur cas pourrait ouvrir la porte à une normalisation de cette pratique, même dans la capitale.
UN ÉCHO INTERNATIONAL : LA JUSTICE MILITAIRE HORS DES CLOUS
La RDC n’est pas un cas isolé. Au Nigeria, des civils soupçonnés de liens avec Boko Haram ont été jugés par des tribunaux militaires, suscitant des condamnations internationales. En Égypte, sous le régime de Sissi, des opposants politiques ont subi le même sort, avec des procès dénoncés comme des parodies de justice.
Ces exemples montrent une constante : quand la justice militaire s’étend aux civils, elle devient un outil de contrôle, pas de droit. La RDC suit-elle ce chemin ?
DEMOCRATIE EN PERIL : UN TEST POUR LE SYSTEME JUDICIAIRE
Au-delà des individus, c’est la démocratie congolaise qui est en jeu. Dans un pays où les élections sont contestées et les tensions politiques explosives, surtout en ce moment de crise sécuritaire, une justice militaire omnipotente pourrait faire basculer l’équilibre. « Si des figures comme Minaku et Shadari peuvent être visées, personne n’est à l’abri« , prévient un analyste politique basé à Kinshasa.
Leur convocation, même en tant que témoins, risque d’être vue comme une intimidation.
CONCLUSION : VERS UN AVENIR INCERTAIN
Le 10 mars 2025, Minaku et Shadari franchiront probablement les portes du tribunal militaire. Ce jour-là, la RDC jouera une partie cruciale de son avenir. Si leur comparution est transparente et justifiée, elle pourrait apaiser les craintes. Mais si elle cache une arrière-pensée politique, elle enverra un message glaçant : en RDC, même les civils ne sont plus à l’abri des bottes militaires.
La communauté internationale, elle, reste en alerte, exigeant que la justice respecte les règles du jeu.
Selon les dernières informations relatées par un communiqué du Ministre de la Justice, les deux hommes politiques, Minaku et Shadari, sont aussi interdits de voyage.
Une question demeure : la RDC choisira-t-elle la voie du droit ou celle de l’arbitraire ?
Résistant Congolais
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Sources :
- Constitution de la RDC 2011
- Code Judiciaire Militaire RDC
- Amnesty International
- Human Rights Watch
- Crisis Group
MISE A JOUR DU 09/03/25: Au total, l’auditorat supérieur de Kinshasa – Gombe a convoqué une quinzaine de caciques du PPRD de Joseph Kabila, le même jour (lundi) et à la même heure (10h) pour « éclairer la Justice ». Il s’agit de : – Aubin Minaku – Ramazani Shadary – Ferdinand Kambere – Francine Muyumba et son époux@PatrickNkanga2 – Papy Tamba – India Omari – Tshikez Diemu – Jean – Serge Tshiben – Alain Eleng – Papy Mbau – Dunia Kilanga – Aristote Ngarime