
Uvira, ville stratégique de l’est de la RDC, est aujourd’hui sous les feux des projecteurs alors que le conflit entre les rebelles du M23/AFC et les forces gouvernementales congolaises (FARDC) atteint un tournant critique. Dans ce carrefour bouillonnant, situé aux abords du lac Tanganyika et à deux pas de la frontière burundaise, les forces burundaises font un retour fracassant, accompagnées du gouverneur du Sud-Kivu, Jean-Jacques Purusi Sadiki, et de 600 policiers congolais. Une question brûle les lèvres: ce sursaut peut-il stopper l’élan ravageur du M23/AFC, dont les appuis rwandais semblent inébranlables ? Ou bien Uvira deviendra-t-elle le théâtre d’une nouvelle flambée de chaos dans une région déjà à vif ?
UN RETOUR SOUS HAUTE TENSION
Le retour du déploiement massif des troupes burundaises à Uvira n’a rien d’un hasard. Depuis la chute de Bukavu, le chef-lieu du Sud-Kivu, le 14 février 2025, face à l’offensive fulgurante du M23/AFC, cette ville frontalière est devenue le dernier rempart de Kinshasa dans la province. Port économique et verrou sécuritaire, Uvira est un enjeu majeur. Les soldats burundais, rompus aux combats par leur expérience somalienne, viennent prêter main-forte à des FARDC en déroute, minées par le manque de coordination et une série de défaites cuisantes. Mais face à un M23/AFC tactiquement supérieur, qui enchaîne les conquêtes avec une aisance inquiétante, la mission s’annonce titanesque.
Le gouverneur Sud Kivu, Jean Jacques Purusi, lui, revient dans l’arène après une escapade à Bujumbura, où il a trouvé refuge suite à la perte de Bukavu. Escorté par 600 policiers et accompagné par certains membres de son cabinet, il installe désormais le siège du gouvernement provincial à Uvira. Ce choix est un symbole fort : Kinshasa refuse de lâcher le Sud-Kivu. Mais il trahit aussi une dépendance croissante envers le Burundi, un allié de poids qui pourrait bien compliquer les relations déjà électriques avec le Rwanda, accusé de tirer les ficelles du M23 pour siphonner les richesses minières congolaises.
UN COCKTAIL EXPLOSIF : DEFIS MILITAIRES ET DIPLOMATIQUES
Sur le terrain, tout repose sur une alliance fragile entre les FARDC, les forces burundaises et les milices locales Wazalendo. Les récents déplacements de troupes vers Luvungi, près d’Uvira, montrent une volonté de bétonner les défenses. Pourtant, des fissures apparaissent : les FARDC, rongées par des dissensions internes et un manque criant de moyens, peinent à tenir la cadence et elles s’affrontent souvent avec les Wazalendo. Pendant ce temps, le M23/AFC, dopé par un soutien logistique rwandais, exploite chaque faille avec une précision chirurgicale.
Côté diplomatie, le ton monte. Le président burundais, Évariste Ndayishimiye, a juré de ne pas laisser la situation lui échapper, en y voyant un enjeu sécuritaire pour son propre pays. Mais cette implication musclée pourrait transformer ce conflit en une guerre par procuration entre Gitega et Kigali, avec des répercussions explosives pour la région des Grands Lacs. Les regards se tournent vers l’ONU et l’Union africaine : sans une médiation musclée et rapide, l’escalade semble inévitable.
UNE CRISE HUMANITAIRE QUI S’EMBALLE
Pendant que les armes parlent, les civils paient le prix fort. Depuis février, plus de 35 000 personnes ont fui Uvira, chassées par les combats et les exactions. Les hôpitaux croulent sous l’afflux de blessés, les vivres s’épuisent, et les pillages jettent de l’huile sur le feu. L’arrivée des autorités provinciales et des renforts pourrait ramener un semblant d’ordre, mais sans une injection massive d’aide humanitaire, la catastrophe est à un cheveu.
UN PARI RISQUE POUR L’AVENIR
En somme, le retour des forces burundaises et du gouverneur à Uvira est un coup de poker audacieux de Kinshasa pour reprendre la main.
Mais face à un M23/AFC galvanisé et soutenu et dans un climat régional prêt à s’embraser, tenir Uvira ne suffira pas. Il faudra une coordination militaire sans accroc, des tractations diplomatiques au cordeau et un élan humanitaire d’urgence pour empêcher cette ville stratégique de basculer – et avec elle, toute l’Afrique centrale – dans l’abîme d’un conflit régional burundo-rwandais, dont personne ne veut voir le fond.
Résistant Congolais