Dans un pays déchiré par des crises sans fin, Félix Tshisekedi a tenté un geste audacieux : proposer un gouvernement d’union nationale élargi à l’opposition. Mais cette main tendue a été brutalement rejetée, qualifiée de « moquerie » envers un peuple qui souffre.

Pour l’opposition, cette initiative n’est qu’une manœuvre politique vide, incapable de résoudre les maux profonds de la République Démocratique du Congo (RDC).
Alors que le pays sombre dans l’insécurité, la contestation politique et la misère sociale, cette proposition est vue comme un affront, une tentative de consolider un pouvoir jugé illégitime plutôt que de sauver une nation au bord du gouffre.
« Se moquer des Congolais » : l’opposition vent debout
Prince Epenge, porte-parole de la coalition Lamuka, n’a pas mâché ses mots. Pour lui, proposer un gouvernement d’union nationale aujourd’hui, c’est « cracher sur les enfants de Goma qui meurent, les enfants du Nord et du Sud-Kivu que M. Félix Tshisekedi a abandonnés ». Ces paroles, lancées comme un cri de rage, résument le sentiment de trahison qui anime l’opposition. Selon Epenge, les trois crises qui ravagent le pays — sécuritaire, politique et sociale — ne peuvent être résolues par un simple « débauchage » d’opposants.
« C’est une insulte à l’intelligence des Congolais », tonne-t-il, avant d’ajouter que cette démarche ne ferait que « consolider la gloire personnelle de Tshisekedi ». Pour Lamuka, la seule issue est un dialogue national inclusif, soutenu par les Églises catholique et protestante. Sans cela, prévient Epenge, « le drame va continuer, et Tshisekedi en sera comptable devant le peuple ».
« Une analyse profonde, pas un pansement »
Alain Bolodjwa, du mouvement Sursaut National, partage cette indignation. « Penser qu’élargir le gouvernement à l’opposition mettra fin à la guerre est une illusion », assène-t-il. Pour lui, la proposition de Tshisekedi est une fuite en avant, une tentative de masquer l’échec de son administration sans s’attaquer aux causes profondes de la crise.
« Nous ne résoudrons rien si nous n’avons pas compris ce qui n’a pas marché », martèle Bolodjwa, avant de poser une question dérangeante : pourquoi proposer un élargissement alors que le gouvernement actuel, déjà en place pendant la guerre, n’a rien résolu ? La réponse, sous-entend-il, pourrait bien être le départ de Tshisekedi lui-même.
« Une réponse pitoyable à une crise grave »
Hervé Diakese, porte-parole de Ensemble pour la République, va encore plus loin. « Tshisekedi est préoccupé à sauver son pouvoir, issu d’une tricherie en récidive », accuse-t-il, faisant référence aux élections contestées de 2018 et 2023. Pour Diakese, cette proposition n’est qu’un « réaménagement technique » de l’Union sacrée, la coalition au pouvoir, et non une véritable union nationale.
Il dénonce une « piteuse réponse » à une crise qui menace la survie de la nation. « Chaque fois qu’il s’est agi de faire face à la gravité de la situation, ce pouvoir se complaît dans le déni et les incantations », lance-t-il, citant en exemple le recours à des mercenaires et à des milices plutôt qu’à une modernisation de l’armée. En somme, pour Diakese, le régime de Tshisekedi est « une grande impuissance« .
Un pays en crises multiples
Pour comprendre la virulence de ces critiques, il faut rappeler le contexte dans lequel évolue la RDC :
- Crise sécuritaire : l’est du pays, notamment le Nord et le Sud-Kivu, est en proie à une insécurité endémique, avec des groupes armés qui terrorisent les populations civiles et ils ont déjà le contrôle de deux provinces de la RDCongo.
- Crise politique : la légitimité des institutions est contestée, alimentée par des soupçons de fraude électorale lors des scrutins de 2018 et 2023.
- Crise sociale : une pauvreté écrasante et une incapacité de l’État à fournir les services de base plongent des millions de Congolais dans le désespoir et la misère.
Dans ce tableau sombre, l’opposition accuse Tshisekedi d’avoir échoué à protéger les Congolais et de chercher maintenant à coopter ses adversaires pour affaiblir leur capacité de contestation — une tactique bien connue dans l’histoire politique congolaise.
La défense implicite de Tshisekedi
Du côté du pouvoir, on peut supposer que Tshisekedi présente cette proposition comme une tentative de :
- Créer un front uni face aux crises.
- Renforcer sa légitimité contestée.
Mais ces arguments sonnent creux face à son bilan jugé insuffisant et le non respect systémique de ses engagements. Les promesses de stabilité et de réformes peinent à convaincre une opposition qui voit dans cette main tendue une simple stratégie de survie politique.
Une impasse politique aux lourdes conséquences
Ce refus catégorique de l’opposition plonge la RDC dans une impasse politique encore plus profonde. La proposition de Tshisekedi, loin de rassembler, creuse le fossé entre le pouvoir et ses adversaires. Elle risque de n’être qu’un pansement temporaire sur une plaie béante, incapable de stopper l’hémorragie.
Quant à l’appel au dialogue national prôné par l’opposition, il exige une volonté politique sincère de toutes les parties — une condition qui, dans le climat actuel, semble utopique. Pendant ce temps, la population congolaise continue de payer le prix fort, prise en étau entre un pouvoir critiqué pour son inaction et une opposition qui, tout en dénonçant, peine à proposer une alternative crédible et unie.
En refusant la main tendue de Tshisekedi, l’opposition envoie un message clair : elle ne se contentera pas de strapontins dans un gouvernement qu’elle juge illégitime.
Mais ce bras de fer politique pourrait bien prolonger la souffrance d’un peuple déjà à bout de souffle. Car, en RDC, le temps perdu en querelles politiciennes est un luxe que le pays ne peut plus se permettre et le temps, justement, semble manquer à tous le monde.
Résistant Congolais