RDC : TSHISEKEDI, ENTRE LE MARTEAU DU M23 ET L’ENCLUME DE KABILA, ESSAYE DE REDISTRIBUER LES CARTES

Dans l’arène politique congolaise, où chaque mouvement peut être fatal, Félix Tshisekedi se trouve aujourd’hui à un carrefour périlleux. Les défaites militaires humiliantes, avec la chute de Goma et Bukavu aux mains du M23, ont fait vaciller son pouvoir comme un château de cartes. Son armée, censée être le rempart de la nation, s’est révélée être un tigre de papier, incapable de tenir tête à une rébellion qui avance comme un rouleau compresseur. Mais Tshisekedi, tel un survivant politique, refuse de capituler. Au lieu de se morfondre, il a lancé une contre-offensive politique tous azimuts, cherchant à consolider ses appuis fragilisés et à déjouer ses adversaires. La bataille pour Kinshasa est engagée, et elle se joue autant dans les coulisses du pouvoir que sur le front de l’Est.

UN APPEL A L’UNITE, DANS LA TEMPETE

Convoquant les députés et les ténors de l’Union sacrée de la Nation (USN), sa majorité présidentielle, Tshisekedi a endossé son costume de chef de guerre, mais avec une pointe d’amertume. « Je n’ai pas vu beaucoup de monde monter au créneau pour appeler notre jeunesse à s’enrôler et défendre la Patrie », a-t-il déploré, son ton trahissant une frustration à peine voilée. Ce reproche à peine dissimulé visait ceux de ses alliés qui ont fait preuve de tiédeur face à la crise. Mais il a vite pivoté vers un discours rassembleur, exhortant ses troupes à « rester unies pour faire face à l’ennemi ». Derrière cette injonction, une réalité implacable : sans cohésion, son régime risque de s’effondrer comme les lignes de front à l’Est.

Un remaniement en vue : la redistribuer les cartes

Affaibli par les revers militaires, Tshisekedi sait que pour survivre, il doit remanier son échiquier politique. Un remaniement gouvernemental se profile, avec l’ambition de former une coalition plus large et plus solide. Dans ce jeu de chaises musicales, certains noms sont déjà sur toutes les lèvres. Jean-Pierre Bemba, ministre des Transports et ancien seigneur de guerre, pourrait retrouver le portefeuille de la Défense. Sa stature et son passé militaire lui confèrent une crédibilité dont l’actuel ministre, Guy Kabombo, est cruellement dépourvu. Ce dernier, novice en matière de stratégie, s’est surtout illustré par des discours maladroits et des défaites en cascade. Mais ce remaniement sera-t-il suffisant pour inverser la tendance ? Rien n’est moins sûr.

La énième promesse de refonte de l’armée : un vœu pieux ?

Félix Tshisekedi a également annoncé une nouvelle refonte des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), laminées par les victoires du M23. Mais cette promesse sonne comme un refrain usé après six ans de pouvoir et d’innombrables réorganisations sans effet tangible. Le chef de l’État a beau promettre une « armée professionnelle » et une revalorisation des primes pour les soldats, ces annonces arrivent tard, trois ans après la résurgence du M23/AFC et alors que l’armée est en déroute. Le dernier chef d’état-major, Jules Banza, n’est en poste que depuis un mois et demi, et déjà, le M23/AFC a pris Goma et Bukavu, poursuivant sa percée au Nord et au Sud-Kivu. Changer les hommes sans s’attaquer aux maux profonds – corruption, manque de formation, moral en berne – risque de n’être qu’un pansement sur une plaie béante.

UNE DECRISPATION POLITIQUE LIMITEE ET CALCULEE

Critiqué par l’opposition pour sa gestion de la crise, Tshisekedi doit élargir sa base. Il a récemment gracié Jean-Marc Kabund, ancien président interimaire de l’UDPS devenu opposant virulent, condamné à sept ans de prison pour « offenses au chef de l’État ». Cette libération viserait à projeter une image d’ouverture. Mais ce geste est-il sincère ou purement tactique, surtout dans le cas où il ne sera pas élargi à d’autres prisonniers politiques ? Kabund, artisan de la prise de contrôle de l’Assemblée nationale par le camp présidentiel, pourrait redevenir un atout… ou un rival encombrant.

Cette décrispation calculée semble faire l’affaire d’ un président en quête de légitimité, mais elle ne suffira pas à apaiser une opposition qui le tient pour responsable des déboires sécuritaires et l’accuse toujours de répression politique.

Une main tendue

En proposant une coalition nationale, Tshisekedi semble entrouvrir la porte à un dialogue qu’il avait autrefois complétement rejeté. De même, les Églises catholique et protestante, qui ont lancé des consultations pour un « pacte social pour la paix » – rencontrant même le M23 et Paul Kagame – pourraient voir dans cette ouverture une opportunité. Mais cette perche tendue sera-t-elle saisie, ou est-ce trop peu, trop tard ?

Surtout que Tshisekedi souligne, continuellement, ne pas avoir mandaté les évêques catholiques et il continue à avoir une position négative envers toute négociation avec les rebelles du M23/AFC.

LA RECHERCHE DES BOUCS EMISSAIRES ET DES TRAITRES

Dans ce ballet politique, Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, est un acteur clé mais ambivalent. Son absence remarquée lors de la réunion de l’USN a fait jaser. Kamerhe, aux ambitions présidentielles connues, a récemment suggéré des négociations avec le M23, une position en porte-à-faux avec le discours intransigeant de Tshisekedi. Ce dernier peut-il compter sur son soutien indéfectible, ou doit-il craindre une trahison ? La composition du prochain gouvernement et, pourquoi pas, du bureau de l’Assemblée nationale, dira beaucoup sur la confiance que le président accorde à cet allié encombrant.

JOSEPH KABILA SORT DE L’OMBRE ET DES SON MUTISME, AVEC FRACAS

Comme si les défis n’étaient pas assez nombreux, Joseph Kabila, l’ancien président, a choisi ce moment pour sortir de son silence. Dans une interview au vitriol, il a qualifié les élections de 2023 de « simulacre », dénoncé une opposition muselée et des exécutions sommaires, et imputé la crise à l’Est à Tshisekedi. Ces attaques, venant d’un homme réputé discret, sont un coup de tonnerre. Kabila, qui a lui-même réprimé dans le sang les nombreuses manifestations politiques de l’opposition pendant ses mandats et laissé un bilan sécuritaire peu reluisant, se pose en donneur de leçons. Mais au-delà de l’hypocrisie, cette sortie médiatique marque son retour sur la scène politique avec des ambitions de revanche à peine voilées.

En effet, le timing de cette résurgence est suspect. Corneille Nanga, proche de Kabila et ancien patron de l’ancienne Commission Electorale Nationale Indépendante, a récemment annoncé son intention de marcher sur Kinshasa avec le soutien du M23/AFC. Un certain nombre de militants du PPRD, le parti politique de Kabila, sont également soupçonnés de liens avec la rébellion. Pour Tshisekedi, il n’y a pas de doute : derrière le M23/AFC se cache la main de Kabila, comme il a bien explicité à la Conférence Internationale de Munich sur la Sécurité.

Cette convergence d’intérêts entre l’ancien régime et les rebelles est une menace existentielle pour le pouvoir en place. Elle transforme la crise sécuritaire en un affrontement politique à haut risque, où chaque acteur joue sa survie.

Un pari politique à haut risque

Félix Tshisekedi joue son va-tout. En remaniant son gouvernement, en tendant timidement la main à l’opposition et en tentant de rallier ses troupes, il espère inverser la vapeur.

Mais les obstacles sont colossaux.

L’armée est en lambeaux, sa coalition est fracturée, et l’ombre de Kabila plane comme une menace permanente, avec un discours politique centré sur des revendications essentiellement politiques (légitimité, gouvernance et gestion du pays). De plus, les soutiens du M23 – le Rwanda en tête – restent un adversaire redoutable. La réussite de Tshisekedi dépendra de sa capacité à naviguer dans ces eaux troubles, à concilier les impératifs politiques et les réalités du terrain. Dans ce théâtre d’ombres, une chose est sûre : la partie est loin d’être gagnée et le rideau ne tombera pas de sitôt.

Résistant Congolais

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