
Le 15 février 2025 restera gravé comme un jour de déroute pour l’armée congolaise. Alors que les rebelles de l’AFC/M23 progressaient inexorablement vers Bukavu, capitale du Sud-Kivu, son commandant militaire, le lieutenant général Pacifique Masunzu, a pris la fuite. Une fuite qui pose question : est-ce un acte de trahison, de lâcheté ou le résultat d’une stratégie militaire mal orchestrée ?
UNE NOMINATION CONTROVERSEE
En décembre 2024, Le Président de la RDCongo, Félix Antoine Tshisekedi, nomme Masunzu à la tête de la 3ᵉ zone de défense, couvrant les provinces du Bas-Uélé, Haut-Uélé, Tshopo, Maniema, Ituri, Sud-Kivu et Nord-Kivu. Un choix qui, dès le départ, suscite scepticisme et interrogations parmi les analystes militaires. Ce n’est pas la première fois que Tshisekedi fait une erreur de casting : placer un Tutsi à la tête des opérations contre le groupe rebelle du M23/afc, un mouvement historiquement proche de cette communauté, relevait d’une grave erreur d’appréciation.
Masunzu n’est pas un inconnu dans l’est de la RDC. Ancien cadre du RCD-Goma, une rébellion qui défendait les populations congolaises tutsi entre 1998 et 2003, il a ensuite rejoint l’armée de Joseph Kabila, où il a œuvré aux côtés des groupes Maï-Maï et des FDLR pour combattre ses anciens alliés. Son ascension rapide et son passé ambivalent en font une figure controversée, d’autant plus qu’il est nommé pour affronter le M23, un mouvement historiquement proche de son ethnie.
LA CHUTE DE BUKAVU : UN ABANDON INEXPLICABLE
Le 16 février, Bukavu tombe sans la moindre résistance. La veille, Masunzu a quitté le front, traversant la frontière de Kavimvira-Gatumba vers Bujumbura, escorté par des officiels burundais, avant de s’envoler pour Kisangani. Pendant ce temps, ses troupes, laissées à leur sort, battent en retraite dans le chaos le plus total.
Privée de commandement, la coalition de l’armée congolaise, incluant les FDLR, les Wazalendo et l’armée burundaise, abandonne Bukavu et se replie vers Uvira. Mais ce repli vire au carnage : les Wazalendo, furieux de l’abandon de la ville, massacrent leurs propres alliés congolais à Kalundu, empêchant leur embarquement vers Kalemie. Parmi les victimes, le secrétaire du vice-gouverneur et un policier sont abattus, tandis que le gouverneur du Sud-Kivu, Jean-Jacques Purusi, et le maire d’Uvira, Kiza Muhato, prennent la fuite vers Bujumbura.
Au moment où nous couchons ces lignes, la ville d’Uvira, deuxième ville du Sud Kivu et dernier bastion militaire avant le grand Katanga, est en train de tomber entre les mains des rebelles du M23/AFC.
MASUNZU, VICTIME OU STRATEGE MALHEUREUX ?
Dans l’armée congolaise, les échecs stratégiques ne pardonnent pas. Depuis peu, toute défaite face au M23/AFC est assimilée à une trahison, passible de la peine de mort. Or, le départ de Masunzu, dans un moment critique, alimente les soupçons de collusion avec l’ennemi ou de désertion.
Cependant, il est plus probable que cette débâcle soit le résultat d’une mauvaise planification et d’un manque de cohésion au sein de l’armée congolaise. La désorganisation, les luttes internes et l’absence de commandement clair ont été des facteurs déterminants dans l’effondrement des positions de la coalition à Bukavu.
Désormais en fuite, Masunzu pourrait bien être la prochaine victime d’une purge militaire, condamnant un homme qui, dans un jeu de guerre où les pions sont sacrifiables, s’est retrouvé dans l’œil du cyclone, jouant une très mauvaise rôle dans une partition ratée par le metteur en scène, Félix Tshisekedi.
Résistant Congolais