
UN FRONT NORD EST SOUS HAUTE TENSION
La reprise des combats dans le Nord-Kivu, sur l’axe stratégique de la route N2 reliant Goma à Butembo, marque un tournant décisif dans le conflit. Après une période de calme apparent, l’intensification des hostilités dans la zone de Mambosa révèle une volonté manifeste du M23-RDF de perturber la logistique et les lignes de ravitaillement de la coalition gouvernementale.
Le choix du M23/AFC de renforcer ses positions à Alimbongo, face à Kitsambiro tenu par les FARDC-Wazalendo, démontre une stratégie d’encerclement progressive visant à étouffer les forces loyalistes dans la ville de Lubero. En prenant le contrôle de cet axe, le M23 pourrait non seulement couper l’approvisionnement gouvernemental, mais aussi menacer directement Butembo, un centre névralgique pour la résistance congolaise des FARDC.
Le déplacement du gouvernement militaire provincial à Beni souligne la précarité de la situation. Cette relocalisation montre une volonté de conserver un point d’ancrage stratégique tout en garantissant une évacuation rapide en cas d’offensive majeure du M23-RDF.
UNE OFFENSIVE IMPLACABLE AU SUD-KIVU
La progression sans opposition et résistance de la coalition rebelle le long de la route N5, en direction d’Uvira via Kamanyola, confirme une désintégration rapide des lignes de défense loyalistes dans le Sud-Kivu. La chute de Bukavu a exposé le flanc sud du gouvernement congolais, ouvrant la voie à un corridor stratégique reliant Rwanda et Burundi, permettant ainsi un soutien logistique accru aux rebelles.
La stratégie du M23/AFC et de ses alliés semble s’articuler autour d’une campagne de choc et d’effroi, visant à imposer un contrôle rapide sur les zones occupées.
Alliances Fragiles et Lutte de Pouvoir à Fizi
Les combats entre les FARDC en déroute et leurs anciens alliés, les milices Maï-Maï Wazalendo, en cours aussi bien à Fizi qu’ à Uvira, soulignent les failles béantes dans la cohésion de la défense gouvernementale. La demande des miliciens de Biloze Bishambuke pour la remise des armes des FARDC, révèle une méfiance grandissante à l’égard des forces régulières, accentuée par une retraite jugée désordonnée par les « réservistes » issus des groupes armés (Wazalendo) et un manque criant de coordination entre Wazalendo et FARDC.
Cette fragmentation interne affaiblit considérablement les positions loyalistes, créant un vide de pouvoir dont le M23/AFC et ses alliés rwandais pourraient tirer parti pour élargir leur influence dans le Sud-Kivu.
UN CONFLIT REGIONALISE ET DES CONSEQUENCES GEOPOLITIQUES
La présence active des forces RDF (rwandaises) et des milices RED-Tabara et Twirwaneho, alliées au M23, atteste de la dimension régionale du conflit. Le Rwanda utilise habilement ses alliés locaux pour affaiblir son voisin congolais, tout en niant toute implication directe, évitant ainsi une condamnation internationale explicite.
Si Uvira tombait sous contrôle rebelle, cela ouvrirait un corridor stratégique vers le lac Tanganyika, offrant une voie de ravitaillement cruciale reliant Rwanda, Burundi et potentiellement Tanzanie. Une telle avancée mettrait non seulement en péril la souveraineté de la RDC, mais redéfinirait l’équilibre des pouvoirs dans les Grands Lacs africains. Surtout, elle ouvrirait une route décisive vers la villa de Kalemie, dans le grand Katanga, conglomerat de provinces frondeuses envers le pouvoir de Tshisekedi et sa famille, qui exploite les mines katangaises, sous protection de la Garde Républicaine.
CONCLUSION : UN CONFLIT A HAUT RISQUE D’ESCALADE
La situation au Nord et Sud Kivu évolue rapidement, et l’incapacité du gouvernement congolais à contenir l’avancée rebelle pourrait provoquer une fragmentation durable de l’est du pays.
L’engagement direct des forces ougandaises à Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, dans une forme d’occupation « soft » mais réelle, ajoute une complexité supplémentaire, transformant le Kivu en théâtre de rivalités régionales.
La communauté internationale reste pour l’instant spectatrice, mais une intensification des combats pourrait forcer une intervention diplomatique ou militaire pour éviter une crise humanitaire d’envergure.
Le M23/AFC et ses alliés semblent déterminés à exploiter chaque faille dans la défense congolaise, tout en remodelant la carte politique de la région à une vitesse remarquable.
Les deux Kivu (Nord et Sud) sont désormais à un carrefour décisif : statu quo meurtrier, limité à l’Est de la RDCongo ou redéfinition radicale des frontières et du pouvoir en RDCongo, avec une avancée jusqu’à Kinshasa ?
L’évolution du conflit des prochaines semaines nous donnera une réponse plus claire à cette question fondamentale.
Résistant Congolais